Crancey.2012 1Notre époque réalise que la surface de la  terre et ses ressources ne sont pas extensibles, voire même en diminution. Le  désert gagne au Sahara et ailleurs. La  montée des océans menace des régions  entières comme le Bengladesh.Des terres  maltraitées baissent de fertilité : tassement,  érosion, pollution… La terre est aussi  revendiquée pour d’autres usages que la  production agricole.  La terre devient l’objet de toutes les  convoitises avec l’augmentation des populations et la flambée des prix des matières  premières. Au Brésil des petits paysans sont  spoliés et chassés des terres qu’ils cultivent  par des multinationales pour des cultures  d’exportations : soja, agro carburants. A  Madagascar et en Afrique,la Coréedu Sud  etla Chineachètent des millions d’hectares  ou passent des contrats de longue durée  avec des États.  Et en France qu’en est-il ? 

Conflits d’usages 

La pression foncière s’intensifie, la terre est  revendiquée pour deDSC07697 multiples usages, ce  qui entraîne des concurrences et des  conflits d’intérêts. Des jeunes agriculteurs  n’arrivent même pas à s’installer faute  d’accès à la terre.  L’urbanisation avec ses parkings, ses zones :  industrielles, commerciales, récréatives et  les infrastructures : autoroutes, aéroports  détruisent chaque année des milliers  d’hectares de terre agricole. Ce sont  généralement les bonnes terres qui sont  prises comme en Ile-de-France.  En zone rurale les agriculteurs sont devenus  minoritaires. Les nouveaux résidents  recherchent une vie tranquille en conflit  parfois avec les contraintes de l’agriculture :  bruits, odeurs, circulation d’engins…  Le tourisme, les loisirs, la protection de la  nature, de la biodiversité, de l’eau sont  autant de facteurs qui modifient la fonction  de production des agriculteurs et favorisent  le développement d’activités annexes : gîtes,  chambres d’hôtes, campings à la ferme… 

Révolution culturelle 

Un bouleversement s’opère progressivement dans la relation que les agriculteurs  entretiennent avec la terre. La terre, un  patrimoine, devient un outil de travail. C’est  de moins en moins la terre des ancêtres. Le  faire valoir direct diminue au profit des formes  sociétaires d’exploitation. A titre d’exemple,  dans l’Yonne, il y a 50 % d’exploitations en  sociétés : GAEC, EARL, autres sociétés ; elles  cultivent 62 % de la surface agricole utile et  assurent les 2/3 des emplois.  Des formes nouvelles du capital foncier sont  apparues. Cela modifie le lien entre  propriété foncière, propriété agricole et  production. La terre, patrimoine familial,  devient après la seconde guerre mondiale la  terre outil de travail avec l’idée de progrès.  Dans les années 1960 le CNJA,la JAC  militent davantage pour le métier  d’agriculteur que pour protéger et  conserver le patrimoine familial.  Le lien à la terre s’en trouve modifié,  l’aspect affectif disparaît, on est dans le  remembrement, l’échange de terre, le  capital devient des parts sociales.  Bien souvent des propriétaires qui arrivent à  la retraite proposent leurs terres en  fermage. Les enfants lors de la succession  mettent les terres en vente.  N’est-ce pas une révolution culturelle qui  s’opère chez des agriculteurs qui  développent des assolements en commun  pour organiser le travail et maîtriser les  coûts de production.  Il leur faut accepter le rendement moyen  des centaines d’hectares d’une culture de  blé, quelque soit le rendement de leurs  parcelles.  Quel chemin parcouru entre son lopin de  terre bien soigné à transmettre à sa famille !  Ceci dit, il reste une agriculture familiale  pour encore 59 % d’agriculteurs avec des  structures plus petites, bien souvent avec  des activités complémentaires : ventes  directes, accueil à la ferme… Pour un petit  nombre le domaine familial est conservé de  génération en génération. Les terres sont  données à travailler, la chère maisonCrancey.2012  familiale se garde au prix de nombreux  sacrifices.  Chaque fois que c’est possible, des Frères et  des Sœurs missionnaires des campagnes  aiment cultiver un jardin potager et embellir  leur cadre de vie.  Ce sont là des facteurs d’équilibre et de  beauté. 

Frère Jean de FLAUJAC 

Prieuré Saint Germain  Chichery (Yonne) 

Chonique n° 252