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2012 vaches

Oui, l’écologie est bien un de ces sujets passionnels, au point qu’on en viendrait parfois à l’éviter pour ne se fâcher avec personne. Dominique Lang, Assomptioniste, nous donne quelques repères sur la notion d'écologie qui recouvre en fait des réalités très diverses.

 2012 vachesEn quoi l’écologie peut-elle faire grandir notre humanité ? Parmi les sujets épineux qu’il vaut mieux éviter au cours d’un repas familial ou d’une rencontre communautaire, l’écologie est plutôt située dans le haut de la liste. Il ne faut en effet pas grand-chose pour qu’une discussion sur ce sujet fasse apparaître des prises de positions passionnées, déclinant chez les uns et les autres tous les griefs entre représentants des différentes  générations ou entre partisans de modes de vie ou de choix de consommation différents. Sujet réservé aux riches et aux « bobos » pour les uns, choix de vie urgent et incontournable pour d’autres. Sans oublier les utopistes, les radicaux en tout genre. Oui, l’écologie est bien un de ces sujets passionnels, au point qu’on en viendrait parfois à l’éviter pour ne se fâcher avec personne.
C’est là quand même un étrange paradoxe pour un mot dont la racine grecque parle essentiellement de la manière « d’habiter » (oiko) ici-bas, une racine que l’on retrouve dans des mots importants tels qu’économie et œcuménisme.

Mais un paradoxe somme toute assez limité quand on saisit que le mot « écologie » recouvre en fait des réalités très diverses.

Car, qu’y-a-t-il de commun entre le travail d’un naturaliste décrivant des espèces naturelles, celui d’un militant luttant contre telle usine ou telle centrale, celui d’un admirateur de la beauté de la nature et celui d’un politicien engagé dans un parti, si ce n’est ce mot « valise » d’écologie ? Les uns et les autres n’utilisent d’ailleurs pas le même vocabulaire pour parler de leur lien avec cet espace à habiter : cosmos, création, environnement, nature, milieu de vie, terre, etc. Parle-t-on vraiment de la même chose dans ces différents vocables ? Pas sûr. Assumer cette complexité rend humble et permet de refuser, dans un préalable nécessaire, tout discours trop péremptoire sur la question.
A force de nuances, l’intérêt du sujet de l’écologie pour nos vies modernes peut alors poindre peu à peu. Il met en lumière des questions que nous ne nous posions plus depuis longtemps dans  une société où le confort, la consommation étouffent souvent toute velléité existentielle.

Des questions qui sont pourtant essentielles. Qu’est-ce qui a du sens dans ma vie ? Que vais-je laisser à mes enfants ? Comment transmettre gratuitement ce que j’ai reçu gratuitement ? Et plus encore : quelle cause vaut encore la peine que je m’engage et que je lutte ? Car c’est bien de cela dont il s’agit derrière les interrogations apparemment anodines sur la nourriture ou la lutte contre les pesticides. C’est bien de cela dont il s’agit quand on essaye de se réapproprier l’eau, l’énergie, l’air et les autres biens communs indispensables à la vie de tous et pourtant de plus en plus privatisés. C’est bien de cela dont il s’agit quand on remet en cause, par de nouveaux choix de vie, les conditionnements compulsifs dans lesquels nous nous tenons au quotidien.

Le langage des écologistes peut devenir très éclairant si on y prend garde, utilisant un langage aux connotations profondément bibliques : celui qui veut « sauver » la planète, faire « alliance » avec le vivant, se « réconcilier » avec la nature ou se « convertir » à de nouveaux modes de vie mobilise en lui des ressorts profonds que les croyants connaissent bien. Tous ces ressorts qui nous tiennent vivants malgré tout : malgré le chaos de la mort et du péché ; malgré le non-sens des puissances et des tyrans. Reste maintenant pour les uns et les autres à se réinterroger ensemble sur le sens de ces mots qui sont les nôtres : « salut », « alliance », « réconciliation », « conversion ». Un travail qui peut, par exemple, aider les croyants à comprendre que leur foi au Dieu créateur n’est pas un simple préalable pour parler de la puissance d’un Dieu lointain et d’une nature soumise et docile. Ce que la foi chrétienne dit, quand elle parle de la Création, c’est la certitude intérieure que le « salut » de Dieu est à l’œuvre depuis l’origine, même avant l’expérience du mal, préparant à la rencontre inouïe et intime de la créature avec son Créateur lui-même. Source de toute vie éternelle, de toute vie pleine.

Un désir de cohérence

Si nous ne sommes pas tous obligés de devenir des écologistes pratiquants, nous ne pouvons en tout cas pas ne pas entendre les appels à la cohérence qu’ils nous lancent. Et dans ce monde multiculturel et mondialisé qui est le nôtre désormais, ce désir de « cohérence » pourrait bien être une des clés pour tenir bon. L’eau que je bois, le pain que je mange, l’énergie que je consomme, l’animal ou la plante que je côtoie, le paysage qui m’accueille. D’où viennent-ils ? De qui me rendent-ils solidaire ? A quelle justice envers les plus pauvres m’invitent-ils ? Et comment puis-je travailler à préserver leur grâce reçue de Dieu lui-même, pour que d’autres puissent continuer à en vivre ? Autant de chemins d’humanisation.

De quoi faire de l’écologie non pas une conviction parmi d’autres mais une belle attention à « habiter » vraiment ce monde comme un hommage à l’« inhabitation » audacieuse de Dieu parmi nous.
Dominique LANG
Paris