« Diaconia 2013 » a sensiblilisé les chrétiens à l'attention aux plus image courantefragiles de notre société, et de nos communautés chrétiennes. Je me suis posée la question « quels sont les « pauvres » que moi, je rencontre ? Comment leur témoigner plus d'attention, plus de fraternité ?

Au prieuré, c'est une autre sœur qui va à la permanence du Secours Catholique et à celle de la Croix Rouge. C'est un lieu où les marginaux, qui sont souvent les plus pauvres, viennent.

    Pour moi, je rencontre plutôt les gens « ordinaires » et leurs pauvretésP1010874 sont plus cachées. Comment être attentives aux pauvretés du quotidien ?
Une  visite, faite récemment m'a interpellée, elle fait partie de la « banalité quotidienne » ! qui se révèle riche quand on la relit .

    Je vais de temps à autre rendre visite à un couple âgé  Ils ne sont pas pauvres matériellement, ni isolés, car les enfants ne sont pas loin, c'est la maladie, le handicap  qui les atteint. Hélène est courbée en deux, usée par une vie de travail aux champs, elle souffre de voir qu'elle ne peut plus faire grand' chose et qu'elle devient très fragile. Emile son mari a une maladie d'alzeimer qui progresse rapidement, il est là devant des legos qu'on lui a mis sur la table, il les tourne, les retourne. Hélène a fini de s'user en  s'occupant de lui, Il la suit partout, et est perdu quand elle n'est pas là

    François qui est toujours très content de me voir est un de leur fils. Célibataire. iI a un léger handicap mental Il vit avec eux. Il n'a pas voulu continuer de travailler  au CAT , il est là, sans rien faire ou presque ! Il prend part aux conversations et a une mémoire étonnante.

    Ce jour-là, il y a Genévrière une de leurs filles. Comme d'autres membres de la famille elle est de santé fragile, Son mari, artisan, soigne une dépression. Depuis le dernier séjour de Hélène a l'hôpital, les enfants se relaient tous les jours  pour ne pas les laisser seuls

    C'est une famille où on parle peu, et où on parle sans doute davantage quand il y a des visiteurs Discrétion naturelle, peut-être liée à toutes ces épreuves de santé
Hélène me dit les larmes dans la voix « il vaudrait mieux que je m'en aille, que le Bon Dieu me prenne, vous voyez, maintenant les enfants en ont deux à s'occuper, c'est trop lourd »

Geneviève qui est assise à côté d'elle ne dit rien. Je risque « mais votre mari il est perdu quand vous n'êtes pas là ». « oh, vous savez quand je le vois dans cet état, je me demande si il réalise ». C'est alors que Geneviève prend avec véhémence la parole « c'est vrai, la semaine où tu étais à l'hôpital, on aurait dit qu'il y avait un mort dans la maison. Il te cherchait sans rien dire , et elle redit « c était comme si il y avait un mort »

    Alors, par deux fois, Hélène s'est exclamée, « ça vous me l'avez pas dit »
J'avais l'impression que cette parole échangée lui redonnait confiance , sa fille venait de lui dire que sa vie valait encore la peine d'être vécue !!
Ma présence avait peut-être favorisé cet échange.


Sr Yvette Charrier