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 Depuis deux mille ans, dit Dieu,

j’ essaie de parler aux hommes,
je leur ai dit sur tous les tons
de m’ ouvrir leur coeur, de se laisser aimer par moi.
Mais les hommes sont de grands distraits.
Si je me fâche, ils oublient tous mes gestes d’ amour.
Si je suis doux et patient,
ils oublient le sérieux de mon affection,
et ne sentent plus le mal qui les ronge loin de moi.

J’ ai tout essayé : je leur ai narré la foi des patriarches,
je leur ai crié la colère des prophètes,
je leur ai chanté l’émotion du psalmiste,
je leur ai décanté la sérénité des sages.
Ils ne comprennent toujours pas.

Mais je veux quand même essayer une dernière fois,
leur dire une dernière parole,
une parole aux dimensions de mon amour pour eux,
immense, profonde, insondable,
une parole unique, si forte, si douce,
si palpable et si mystérieuse,
qu’ ils n’ en reviennent jamais,
qu’ ils en soient toujours surpris, « étonnés » ;

cette parole, dit Dieu,
il faudrait qu’ elle ait des pieds !
Une parole avec des pieds pour courir
et rejoindre l’ homme où qu’il soit.

Il faudrait aussi qu’elle ait des mains,
pour servir l’ homme.
Il faudrait qu’ elle ait une bouche,
pour sourire aux hommes
et des oreilles pour les écouter.

Il faudrait que cette parole ait un coeur,
pour comprendre l’ homme.

Et Dieu mit des mains et des pieds,
des oreilles, une bouche,
et un coeur à cette parole,
la plus belle qu’ il ait jamais prononcée.

Il prit son souffle, et la lança sur terre.

Et les hommes la découvrirent, presque par hasard,
enveloppé de langes, dans les bras d’ une femme.

Auteur inconnu