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Benoit BillotLors de l'assemblée générale 2017 de Chronique revue des Frères et Soeurs est intervenu Benoit Billot sur les attentes spirituelles contemporaines.

On parle souvent d’une déliquescence de l’esprit religieux. « Les églises se vident ». Une étude approfondie du courant religieux montre clairement qu’il n’y a pas réellement déclin de la spiritualité, mais  qu’il s’agit plutôt d’une très profonde mutation du sentiment religieux. Et cette mutation entraine nombre de nos contemporains à vivre une vie spirituelle hors de l’Eglise dans laquelle ils ont été élevés. Nous sommes en face d’une nouvelle donne, et qui change constamment. 

 Regardons rapidement ses sources principales, que tout le monde connait bien :

 

- Le 18° siècle, « siècle des lumières », qui voit l’émergence de la raison toute puissante. C'est-à-dire que chacun entreprend de réfléchir aux donnés qui paraissaient jusque là évidents, et de les confronter aux critères de la raison logique. Commence à s’élever un questionnement fort concernant la place de l’Eglise catholique dans la société.

- Le 19° a vu apparaitre les grandes démarches de libération. Celle de K. Marx (entre bien d’autres chercheurs) concernait la vie collective et entreprenait la libération des couches sociales exploitées grâce au développement de la « lutte des classes » et à l’émergence des mouvements de suppression de l’esclavage. Celle de S. Freud, C.G. Jung (et de bien d’autres) se focalisait sur l’importance de l’inconscient dans la vie personnelle de chacun, et sur les moyens de le faire monter à la conscience pour connaitre une libération progressive de la personne. En Europe, le ferment de « laïcisation » semé par la révolution de 1789 entrainait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et l’apparition d’un état laïc, reconnaissant toutes les religions sans être lié à aucune.

- Le 20°, suite à la révolution russe et au développement foudroyant du marxisme, puis de leurs échecs retentissants, a vu l’effondrement des idéologies, des messianismes et des propositions collectives de salut. Il a vu aussi l’irruption massive en Occident des cultures et des religions d’ailleurs produisant un choc et de nombreuses remises en causes de la culture occidentale. Les extraordinaires apports de la technologie ont bouleversé le paysage traditionnel, et la conscience de l’appartenance commune à la planète s’est fortement développée. Avec un moment fort : mai 68, qui fut l’expression et la mise en route de cette mutation culturelle, voici bientôt 50 ans ! Pour simplifier, on peut distinguer quatre domaines  principaux de mutation. Nous dirons rapidement en quoi ils peuvent toucher la vie en Eglise, et ce qu’on peut (et même ce qu’il est nécessaire d’accueillir) pour permettre à la foi chrétienne de se situer, de s’opposer sur certains points, de vibrer en harmonie avec le monde d’aujourd’hui sur certains autres et de croitre en pertinence et en crédibilité.

 

A/ L’émergence du sujet

Nous sortons ensemble d’une perception collective de la personne. Sauf en quelques milieux sociaux marginaux, l’individu, autrefois (c'est-à-dire il y a  un petit siècle),  restait respectueux et soumis à la culture locale, familiale, ou nationale, à la morale véhiculée par elles, et aux grandes institutions : Eglise, Armée, Police, Etat, Loi civile…. Cette soumission s’est très rapidement effritée dans la seconde moitié du 20° siècle, ceux d’entre nous qui ont plus de 50 ans sont ainsi passés d’un monde à un autre. Cela s’est manifesté particulièrement de la façon suivante :

Le désir d’accomplissement personnel. Il s’agit du désir de mettre en valeur toutes les potentialités de soi-même, ce qui fait que nombreux sont ceux et celles qui ont compris l’importance d’un « travail sur soi » (les Psys de toutes spécialités, les stages ou sessions, sont innombrables). Tout ceci, bien sûr, au risque de rechercher la performance et l’autosatisfaction. Tous ces moyens, en effet, peuvent être mis au service du développement de l’Ego. Mais les disciples du Christ peuvent accueillir ce grand mouvement contemporain, le vivre sous l’impulsion de l’Esprit Saint, avec la régulation de l’Evangile, et le mettre au service du monde. F. Nietzsche a introduit dans notre culture une parole importante, émanant d’un philosophe grec ancien, Pindare : « Deviens ce que tu es ». On peut y ajouter l’inscription gravée sur le fronton de la pythie de Delphes : « Connais-toi toi-même, et tu connaitras le monde et les dieux ! » C'est-à-dire, fais connaissance profondément avec toi-même, dégage-toi des programmations de ton enfance, de ton milieu social ou ecclésial, des traumatismes de ta vie, pour accéder à ta véritable nature. Toutes choses éminemment nécessaires pour qui désire s’avancer dans la vie spirituelle. Une parole de la 1° lettre de Jean (3, 2) reprend cette idée : «Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ». Nous sommes en effet des êtres de transformation continuelle, en perpétuelle élaboration, et en route vers notre « manifestation » en Jésus-Christ, si nous acceptons de collaborer à l’action du Souffle divin en nous.

Le désir de vérification personnelle. Chacun veut avoir son avis, malheureusement sans avoir toujours les connaissances suffisantes pour étayer l’opinion que l’on se forge. Cependant, la foule lit, écoute des conférences, regarde les grands médias pour s’informer… Lors des élections, par exemple, il y a un vrai débat public, alimenté par les réseaux sociaux. Mais le danger, dans lequel nombreux sont ceux qui se fourvoient, c’est l’individualisme et l’abolition du sens de la solidarité et de la communauté. Il faut donc se souvenir de la 1° partie de la citation de la lettre de Saint Jean ci-dessus : « Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu… », c'est-à-dire reliés tous viscéralement au Père, et à la foule humaine. Dans cette dynamique de vérification personnelle, beaucoup n’acceptent plus les discours religieux et les dogmes (le contenu du Credo par exemple) sans chercher à vérifier, sans se demander : « est-ce que je peux accepter cela ? » Ceci entraine une relativisation du dogme, de la morale et de l’éthique. Précisons tout de suite : non pas négation, mais relativisation. Un proverbe chinois illustre bien cette tendance : lorsque dans la foule, le soir, un homme montre du doigt à son fils la lune qui apparait, les imbéciles regardent le doigt. C'est-à-dire que nos contemporains sont nombreux à comparer dogmes, théologie et enseignements du magistère comme le doigt, rien que le doigt : il montre l’Infini divin, mais ne doit pas être assimilé à lui ; ce n’est qu’un moyen précieux pour se faire une représentation de ce qu’est la vie de foi. Un des éléments de la vérification est la place importante donnée à l’expérience personnelle. Nos contemporains veulent vérifier par la réflexion certes, mais aussi ressentir par l’expérience personnelle, la véracité et l’efficacité de ce qu’on leur enseigne. La parole du chef ne suffit donc plus, sauf dans le cas de certains chefs charismatiques, saints ou gourous. L’expérience spirituelle est recherchée, puis vécue, puis analysée, et souvent elle sert de point de départ pour une nouvelle étape de la vie.

L’émergence du féminin. Suite à l’évolution inéluctable de la culture occidentale, puis grâce aux immenses possibilités de régulation des naissances et à l’émergence du sujet, le temps des féministes militantes s’achève alors que débute réellement le temps des femmes. Celles-ci prennent partout leur place, leur nouvelle place. Le risque en est toujours la masculinisation, que certaines endossent dans leur vie professionnelle, alors qu’il s’agit pour elle d’éveiller leur masculin intérieur et de l’intégrer dans leur féminité. Les femmes portent l’Eglise, elles sont partout, mais sans avoir accès aux postes de direction. Beaucoup d’entre elles s’en désolent. Mouvement puissant qui oblige peu à peu à reconsidérer leur rôle dans l’Eglise et à se poser la question de leur accès aux ministères ordonnés. Cette affirmation tranquille de la nouvelle place des femmes devrait permettre une compréhension et une énonciation nouvelles des fondamentaux du christianisme. Notons que l’imaginaire de l’Eglise est très touché par cette montée du féminin ; la montée en puissance, dans la piété chrétienne, du personnage de Marie en est une des grandes manifestations. Les dogmes de l’Immaculée Conception (19° siècle) et de l’Assomption (20° siècle), les apparitions mariales, les pèlerinages, la prière du chapelet… sont des expressions de l’introduction du féminin dans la spiritualité et dans les représentations catholiques que l’on se fait de la foi et de Dieu.

 

B/ L’émergence du monde (interculturel, interreligieux…)

La mondialisation ne fait pas peur à l’Eglise, elle la vit depuis toujours, mais dans une attitude plutôt marquée par le désir de convertir les peuples non-chrétiens, et la plus souvent marquée par la transmission d’un christianisme romain et occidental. On peut voir à ce sujet le film « Silence », qui fait état des heurs et malheurs de la proposition de ce catholicisme occidental. Le déferlement de la technologie issue de l’Occident, et la grande aventure coloniale du 19° siècle ont ancré dans les esprits l’idée que l’Occident devait « civiliser » ces cultures anciennes. L’abolition de ce point de vue est un élément important dans les rapports entre l’Occident et les autres cultures. Pour ce qui concerne l’Eglise, ce renversement fut accompagné par les multiples tentatives d’inculturation du christianisme, dont celle de Matteo Ricci en Chine en est comme l’emblème.

Le travail des ethnologues, le développement extraordinaire des voyages touristiques, et l’arrivée en Occident des cultures et religions non-occidentales a donc changé collectivement la donne. On est entré ensemble dans le respect de ces cultures et religions.  Cela s’exprime maintenant dans des expressions, comme celles du P. Oshida, et de Claire Ly, tous deux bouddhistes de naissance et d’éducation « Je suis un (une) bouddhiste qui a rencontré le Christ. » Ils font ainsi état du fait qu’ils demeurent fidèles à leur tradition d’origine, mais que celle-ci est vivifiée et réorientée en eux par leur adhésion au Christ. Pour ce qui concerne les Occidentaux, l’influence de ces traditions anciennes est souvent très bénéfique. Ils apprennent d’autres façons de vivre, découvrent d’autres regards sur eux même et sur le monde, qui leur permettent de trouver un nouvel art de vivre.

Les religions qui fascinent le plus actuellement sont le bouddhisme, l’hindouisme, le taoïsme, et l’Islam soufi. Mais le chamanisme, qui est un ensemble de religions primitives dédié à la nature et au cosmos, fait une percée fulgurante actuellement. De nombreux occidentaux font une plongée dans une de ces religions et se mettent à la recherche de maîtres ou d’hommes remarquables de ces traditions. Ils le font de plusieurs façons :

-Soit par zapping : tourisme religieux, syncrétisme. Ce type de rencontre distrait et instruit, mais ne permet pas un véritable engagement spirituel et est donc généralement sans avenir.

-Soit par conversion pure et simple. Dans ce cas, il s’agit d’une véritable entrée dans un nouvel univers, qui se fait généralement dans une  opposition assez violente à la façon dont on a été éduqué culturellement et spirituellement. La forme extrême en est le jeune chrétien qui se convertit à l’Islam et devient un djihadiste fervent.

-Soit par adoption de nombreux éléments qui complètent, ou bien qui réveillent des pans entiers du christianisme qui avaient été oubliés. Par exemple la tradition apophatique, la sagesse des énergies cosmiques, la non-dualité…etc. Dans ce cas, il ne s’agit nullement de dilution de la foi chrétienne, mais de sa dilatation. C’est là où le dialogue interreligieux, sous ses nombreuses formes, peut devenir un ferment de renouveau de la foi. Mais il y a intérêt à le vivre soit avec un groupe, soit accompagné par quelqu’un qui en a l’expérience, afin que se mette en route une véritable unification intérieure.

 

C/ L’émergence du corps

Le corps, en Occident, est vécu généralement comme un objet : « J’ai un corps » et non « Je suis un corps ». Objet à soigner, à mettre en valeur, à guérir éventuellement, à entraîner, qui permet de travailler efficacement, d’assumer les responsabilités, de bien vivre, qui permet aussi la séduction, le plaisir et la jouissance (la plage, la montagne, la sexualité…). Toutes choses importantes, mais qui masquent un grave déficit en nos pays : nous avons perdu la grande Sagesse du Corps dont beaucoup de cultures ont encore le secret. Par exemple, le travail sur une respiration globale : trop de nos contemporains ne vivent plus leur respiration niveau abdominal, comme si le grand médiateur du souffle profond, le diaphragme, était tombé en panne. Mais aussi s’habituer à accueillir les énergies du cosmos et à les faire circuler dans le corps : le blocage de ces énergies entraine de nombreuses pathologies. Retrouver la nourriture et le sommeil justes. Développer une bonne relation et une bonne communication avec le cosmos : le corps est un élément du cosmos, il y est lié de multiples façons, on peut même dire que mon corps est cette partie du cosmos que j’humanise et à qui je donne mon nom. Comme dans la Bible, ces Sagesses asiatiques ou africaines savent bien qu’il ne suffit pas d’avoir un corps : il est bon pour l’Homme d’entrer dans la conscience d’être son corps, de le vivre intensément, dans ses bonheurs comme dans ses malheurs.

Il importe donc de retourner à la sagesse biblique, qui s’exprime dans le 1° comme dans le 2° Testament. Et le chrétien d’aujourd’hui y est aidé par l’arrivée massive des religions asiatiques (qui offrent de nombreux lieux de rééducation : Yoga, Taïchi, Qi Gong….etc.) et des traditions africaines. Aujourd’hui, tout le monde parle de la méditation, et la méditation de pleine conscience (Mindfulness) a même trouvé sa place dans de nombreuses entreprises. Ce sont des moyens extraordinaires pour réintégrer notre corps et être les disciples de la grande tradition chrétienne d’incarnation. Mais il faut réguler ce processus de façon sage, en se gardant de l’exploit, du sentiment de supériorité, du désir de rentabilité ; car alors, ces techniques seraient dévoyées et le corps serait alors de nouveau perçu comme un objet à entretenir, comme la voiture. Toujours se rappeler que mon corps est un cadeau divin très peu exploré, que je suis invité par la Source Divine à en vivre toutes les potentialités et que je peux vivre ce trajet dans l’action de grâce.

 

D/ Emergence de nouveaux visages de Dieu

Dans l’Eglise, nous avons beaucoup vécu avec l’image d’un Dieu-Personne et même Dieu-Trois-Personnes. La piété s’est formée à partir de l’image d’un Dieu-Père qui protège, et d’un Dieu-Christ humanisé, qui accompagne. Mais depuis deux siècles, d’autres images, ou « représentations ont commencé à apparaitre en Occident.

D’un Dieu personnalisé à un Dieu impersonnel.  Les philosophes allemands ont beaucoup travaillé et attaqué cette représentation, montrant les risques d’une anthropomorphisation de Dieu. Au 20°, Paul Tillich a ainsi pu écrire : « Dieu est transformé en objet parmi d’autres objets, ce qui entraine la destruction de toute idée de Dieu ayant un sens ». Ce qui fait que dans le langage, on commence à préférer remplacer le mot « Dieu » par d’autres expressions, telles que : « Source Divine, Divin, Energies cosmiques, Maitre de la Vie… » Les religions monothéistes ne sont pas démunies devant ces critiques, car elles ont en commun ce qu’on appelle la « tradition apophatique » qui rappelle la dimension ineffable et incompréhensible de l’Être divin pour la rationalité et l’imagination humaine. Ceci ne supprime pas les rapports personnels avec la Source divine, mais sans que soient utilisés les mots, les prières et les images habituelles, le croyant se plaçant dans une sorte de présence ouverte et attentive.

D’un Dieu extérieur au Divin-en-soi.  De nombreuses personnes désirent affirmer le fossé infranchissable qui existe entre le Créateur et la Création. C’est ce qu’exprime généralement le mot « Saint » : Dieu est Saint, Le Saint par excellence. Il est donc perçu par ces personnes comme totalement transcendant et extérieur à l’Homme. Ceci est tout à fait juste, mais il se trouve que, comme exprimé plus haut, nos contemporains désirent expérimenter et ressentir. On peut ainsi comprendre le succès, dans la sphère chrétienne, des mouvements du renouveau, du baptême dans l’Esprit, de la méditation chrétienne, de la Prière du Cœur…etc. Les croyants désirent ressentir le Divin dans l’intime d’eux-mêmes. De là naît la conscience du fait qu’il existe, dans le mystère de la personne humaine, un lieu non localisable qu’on peut nommer le « Cœur Profond », que l’Evangile de Jean appelle « la Sainte Demeure », et Paul le « Temple » ou le « Sanctuaire », où l’Homme, dans sa liberté, peut accueillir la Présence Divine. Les mystiques rhénans mettent en évidence le fait qu’il est un autre type de Présence, qui n’est pas soumis à l’acceptation de l’Homme, parce qu’il est le fondement de toute réalité, et en particulier le fondement de l’existence-même de l’être humain. Ces spirituels l’appellent : « Le Fond ». L’un d’entre eux,  J. Tauler, écrit : « L’Homme peut faire l’expérience de Dieu, comme quelque chose qui jaillit du fond de l’âme, ainsi que de sa propre Source ». Lieu intime de rencontre entre l’humanité et la divinité. Ajoutons, pour rejoindre le désir d’accomplissement personnel cité précédemment, que la vie spirituelle, la rencontre avec le Divin-en-l’Homme, peut devenir une composante essentielle du travail intérieur de libération, d’unification et d’illumination.

D’un Divin patriarcal à un Divin cosmique. Les Lumières du 18° et le Positivisme du 19° siècle ont « désenchanté le monde ». Actuellement, beaucoup de croyances et de pratiques œuvrent à le réenchanter. L’astrologie, le néo-chamanisme, le contact avec les esprits, l’écoute des Maitres Invisibles, les pèlerinages auprès des lieux énergétiques… font partie de ces pratiques nouvelles qui permettent de ressentir la dimension divine du cosmos. Car on ne peut empêcher l’Homme de faire de grandes expériences spirituelles au cœur de la nature, et donc de s’approprier la notion antique d’Âme du monde. Tout le travail des disciples du Christ est de relier intérieurement ces expériences et impressions avec le Maître de l’Univers. Particulièrement dans l’action de grâce. On peut ainsi donner à l’écologie une de ses dimensions essentielles : l’univers, qui nourrit et entoure l’Homme, révèle la Présence divine en toute chose, fut-ce dans le monde inanimé. Le personnage de la Sagesse, issu du Premier Testament, était comme une mise en scène de ce sacré que tout Homme peut expérimenter dans l’univers.

  

Conclusion

Il est fréquent que ces émergences nouvelles fassent peur. Et cette peur provoque chez beaucoup leur refuge dans des groupes identitaires. Identitaire, qu’est-ce à dire ?  La conscience de son identité par un groupe est essentielle à la survie de ce groupe. Mais cette identité ne devrait pas être repliée sur elle-même. Si elle l’est, le groupe peut être dit identitaire ; c'est-à-dire qu’il est devenu pour certains un refuge devant les dangers du monde et des autres groupes, que ses structures, ses dogmes, ses habitudes sont certes bien ancrées, mais aussi défendues bec et ongles. Et de là à se voir comme NOUS d’un côté, et les AUTRES de l’autre, il n’y a qu’un pas vite franchi. Et monte alors la tentation de penser que ce groupe A La Vérité et que les autres sont dans l’erreur. Réactions naturelles de peur, qui se font sentir dans toutes les religions et dans toutes les cultures qui se sentent menacées dans leur existence.

Mais on peut voir aussi, dans ces émergences, des phénomènes impulsés par le Souffle Divin qui travaille en tout homme et en toute société. Aux disciples du Christ de faire un travail d’accueil et de réflexion, permettant de discerner d’un côté ce qui est déviance, parfois erreur, en somme de reconnaitre l’ivraie qui pousse dans le bon grain. Mais aussi d’accueillir ce bon grain, de le faire fructifier, et de greffer ces émergences sur l’arbre de la longue et riche tradition chrétienne. Ainsi, à chaque génération, la nôtre en particulier, elle devient nouvelle, et continue à parler au cœur de nos contemporains.

Benoit Billot

 

Sources : J.F. Barbier-Bouvet : Les nouveaux aventuriers de la spiritualité Ed. Médiaspaul 2015

                 Fr. Lenoir : Les métamorphoses de Dieu   Ed. Hachette 2010