Mot de Jean-Pierre Métayer,  président de l'association.

Jean Pierre MetayerEn 1949, lorsque les Frères Missionnaires des Campagnes ont créé l'association « Les Amis des Campagnes de France », c’était pour recevoir le lègue de Mme de Béru, puisque leur congrégation n’était pas reconnue par la loi française. Le vœu de Madame de Béru était que son domaine serve à faire du bien pour le monde rural. L’appellation de cette association fait référence au projet des Frères d’aller à la rencontre de ce monde des campagnes confronté à l’exode rural.


De 1949 à 1954, les frères se sont donnés 5 années d’observation et d’écoute avant de fonder le centre de formation et d’accueillir les premiers stagiaires. Ils ont alors décidé de cibler plus particulièrement le public des vachers et des porchers qui étaient les moins bien considérés dans la société d’après guerre, mais qui souhaitaient, néanmoins, continuer à travailler dans les fermes. C’était les débuts de la mécanisation, les premières machines à traite arrivaient, peu savaient s’en servir et certaines étaient remisées dans un coin de la ferme.
Les frères ont donc voulu aider les hommes et les femmes qui voulaient rester dans les campagnes à maîtriser les progrès techniques et leur développement, leur permettre de ne pas subir, d’être épanouis, d’être des décideurs et, pour les salariés d’être ainsi considérés par leurs employeurs.
C’est ainsi qu’ils ont expérimenté et mis en place la formation de Maîtrise d’Elevage dont la pédagogie est basée sur le « Faire et Apprendre ».
Le Frère Pierre-Marie de Goy s’adressait aux stagiaires de cette façon : « que savez-vous faire pour que votre vache produise du lait » et non voilà ce qu’il faut faire pour que votre vache produise du lait. C’est à dire que l’on partait du vécu pour aborder progressivement les notions de nutrition, de biologie et de génétique…
Cette formation a très vite intéressé en plus des salariés, des éleveurs ou futurs éleveurs et des techniciens ou conseillers agricoles. Le Centre de formation de Canappeville a été précurseur dans la formation professionnelle et un acteur de la promotion sociale. Il s’est inséré dans la mouvance de la J.A.C et a participé à tout l’esprit créatif de la profession à cette époque : groupe de développement des chambres d’agriculture, groupe ASAVPA pour les salariés, avènement de la maison de l’élevage et des centres de gestion. C’est sur ces valeurs qu’il a acquis sa notoriété.


C’est le Frère Michel Danieau, directeur du centre de 1970 à 1987, qui m’a demandé si j’acceptais d’entrer au conseil d’administration de l’association. C’était en 1984, je venais de quitter la présidence du CDJA et d’entrer à la Chambre d’agriculture comme président du service formation. Je n’imaginais pas devenir président de l’association en 1989.


Les Frères Pierre- Marie, Eugène, Michel, Jean, Thierry, les Prieurs Généraux et trésoriers successifs, tous ceux qui sont passés au Prieuré Notre Dame des Bois depuis cette trentaine d’année ainsi que les administrateurs présents pratiquement dès l’origine, tels que Vincent Caroff, Marcel Potentier, François de La Poterie, Gustave Monnier…m’ont aidé à garder les valeurs et l’esprit du début.
Tout au long de ces années, ensemble : conseil d’administration, équipe pédagogique et administrative avec le soutien du réseau de l’UNREP, notre fédération nationale, nous avons fait évoluer nos formations et notre outil pédagogique pour répondre à la demande la profession et permettre à nos stagiaires et apprentis de s’insérer très rapidement dans la vie professionnelle. Le réseau des Anciens nous a, aussi, aidé dans le recrutement car vous êtes, vous les anciens de bons ambassadeurs du Centre.


L’adoption, en 1989, d’un protocole d’accord entre la Congrégation et l’Association a permis l’arrivée d’un directeur laïc mais aussi la participation au sein du conseil d’administration de trois frères: le Prieur Général, le trésorier et un représentant du prieuré Notre Dame Des Bois. A chacune de nos grandes orientations, les frères ont aidé le conseil d’administration dans sa réflexion. Cela a été le cas lors de l’intégration de la maîtrise d’élevage dans le BPREA, lors de la création en 1996 du centre d’apprentissage et de la mise en place de la formation du BPA destiné à accueillir des jeunes qui ont refusé ou n’ont pu s’adapter au système scolaire et qui sont capables d’être de bons professionnels.
En développant des formations plus pointues telles que les Certificats de Spécialisation Lait ou Porcs et le BTS productions animales, nous avons permis à nos stagiaires et apprentis d’avoir un véritable cursus de formation professionnelle.
Les frères nous ont aussi aidés dans la conception de nos investissements qui ont toujours été réalisés pour que nos élevages soient de véritables outils pédagogiques permettant à nos stagiaires et apprentis d’entrer facilement dans la vie professionnelle.


Les frères, même s’ils ne participent plus au centre comme formateurs, sont néanmoins bien présents. Ils se présentent à chaque nouvelle promotion de stagiaires et d’apprentis en les laissant libres d’aller vers eux au cours de leur séjour à Canappeville. Ils sont ainsi un véritable signe d’Eglise à l’écoute à la fois des apprenants, des moniteurs et de tous ceux qui travaillent ici.
J’ai travaillé en toute confiance avec le frère Michel Danieau et les trois directeurs laïcs que j’ai connus : Xavier Lamblin, François Lebreton et Amédée Hardy. Le tandem avec Amédée a particulièrement bien marché, à mon avis. Amédée a su, avec son équipe développer les formations, le recrutement des stagiaires et des apprentis. Tous les deux, nous avons appris combien les relations humaines étaient importantes pour éviter les non-dits, animer l’équipe et assurer la bonne marche de la maison et là aussi, les frères nous ont bien aidés.


Aujourd’hui, nous sommes à une époque difficile où notre profession est attaquée par une société qui doit aussi se réformer. Les attentes de celle-ci sont de plus en plus prégnantes : réchauffement climatique, pesticides, bien-être animal, circuits-courts, agriculture de conservation, respect de la biodiversité ; on demande à la fois plus de prairies mais moins ou plus du tout d’élevage.
La réforme de l’apprentissage nous oblige à nous investir dans une politique de qualité et de qualification et à innover en permanence car la concurrence entre centres de formation sera rude.


La congrégation des Frères Missionnaires des campagnes est aussi à un tournant. Les frères en France vieillissent, ils ne pourront plus être présents dans tous les sites qu’ils occupent aujourd’hui. C’est pourquoi, soucieux de maintenir les valeurs et l’esprit qui prévalent ici du fait de Jean rene gentricleur présence, ils se sont rapprochés des Frères Lasalliens et de leur réseau. Nous avons décidé de cheminer ensemble pour mieux nous connaître avant d’aller plus loin. Malgré ce rapprochement, notre appartenance à l’UNREP ne doit pas être remise en cause, nous y sommes attachés par le réseau des centres d’élevage mais aussi parce que cette fédération incarne nos valeurs et que les frères ont contribué à sa création ainsi qu’à celles de centres d’élevage qui y sont affiliés.


Voilà, mon cher Gilles, je te passe le flambeau. Je suis serein car je sais que tes compétences professionnelles, tes qualités humaines, ta connaissance du monde agricole te permettront de faire un bon tandem avec Amédée et d’animer le conseil d’administration pour relever tous ces défis. Bon travail à tous ensemble et merci pour tout ce que nous avons vécu et tout ce que vous m’avez apporté car j’ai reçu beaucoup de vous.

Jean-Pierre Métayer