Nous avons vécu au cours de l'année 2023, à La Houssaye, à Montauban et à Tours l’anniversaire des 80 ans du charisme et de nombreux Amis ont participé à l’une ou l’autre des rencontres.

Vous trouverez ci-dessous les témoignages donnés au cours de la rencontre de La Houssaye et l'intervention autour du "charisme" du frère dominicain Jean-Claude Lavigne.

Les questions posées dans chacune des rencontres concernaient le charisme de la Fraternité Missionnaire en Rural : « Qu’est-ce qui me rend heureux dans ce charisme ? » « Qu’est-ce que je vis de ce charisme ? » ou « comment j’ai reçu le charisme ? » « Comment je le transmets ?»

80 ans du charisme La Houssaye en Brie 25-26 mars 2023

Intervention de Jean Claude Lavigne

TRANSMETTRE LE CHARISME

Transmettre du courrier, un mandat ou un paquet postal à quelqu’un n’est pas si simple que cela : il faut deux individus, repérés par des adresses, un transmetteur, un code, des moyens de transport, un système de paiement … Mais transmettre un charisme ne peut pas s’analyser de la même manière car ce dernier est un "objet" bien plus complexe avec plusieurs composantes : un corpus de textes fondateurs pour être disciples du Christ et vivre ensemble ; un public cible : le monde rural (avec les évolutions continues et accélérées de celui-ci), une manière de s’approcher de ce public (la manière d’être missionnaire) et une identité faite de valeurs, d’images, de réputation… Inclure cette question de l’identité c’est parler d’identité charismatique : un style de vie (cf Theobald).
On voit que tous les éléments qui constituent cette identité bougent sans cesse (même la lecture des textes fondateurs car leur temps d’écriture n’est plus le temps des lecteurs, herméneutique). Transmettre ne peut donc consister à passer un nom, un logo et quelques photos jaunies du bon vieux temps des commencements pensant par-là dire que le passé se continue. La rhétorique de la continuité et de la fidélité peut donner le change pour un temps, mais elle est rapidement source de frustrations et de conflits : trahison ressentie par les transmetteurs et blocages considérés comme archaïques par les récipiendaires (les successeurs). Et quand la fidélité (quasi œuvre de photocopieuse) ne porte que sur les écrits du fondateur, il n’y a plus de congrégation mais une quasi secte ou pour le moins une tentation de dérive sectaire.
Transmettre le charisme (et l’identité qui se forge ainsi) requiert d’abord qu’il y ait un charisme vivant et une identité charismatique propre et pas banale. S’il n’y a pas de vie, ou si elle n’est qu’une faible lumière ou une nostalgie, il ne faut pas espérer transmettre quelque chose quand en fait il n’y a plus rien ou que des souvenirs lointains, idéalisés et hors histoire. Il ne faut pas croire qu’une congrégation qui se pense déjà morte puisse transmettre ; c’est là une illusion car seuls des vivants peuvent transmettre à d’autres vivants. L’image de l’héritage n’est pas pertinente car l’identité et le charisme sont toujours mobiles et en transformation et la mort n’est pas le moment où se fait la transmission mais au contraire c’est la vie…
Le défi pour transmettre c’est donc être vivant et être en relation avec d’autres vivants : partages, rencontres, réseaux… On est dans une logique de flux qui doit faire vivre, qui doit provoquer un supplément de vitalité grâce à des alliances, des connivences. Pour cela il faut parler, s’insérer dans l’espace public (Habermas) et le débat ; différence par rapport aux années 70 où l’enfouissement était une valeur et une nécessité. Parler (au sens de converser, Ecclesiam suam ; c’est là que se fait l’Eglise) et pas simplement communiquer, ce qui est plus risqué et demande plus de connaissances et d’assurance (d’audace), risque d’être déplacé.
Dans cette perspective, les procédures de discussion sont aussi importantes que le contenu. Conditions de la transmission sont celles du dialogue et pas des critères normatifs. Quelles sont donc les structures de dialogue qui vous constituent en famille spirituelle ? Mettre ainsi l’accent sur le dialogue ne signifie pas que tout est possible à l’intérieur de la famille. Il y a des limites et se pose alors la question de l’autorité de régulation… et donc là encore de l’organisation dialogale.
Converser à partir du charisme et de son identité, qui ne doit pas être effacée, ni oppressive (totalitaire) ni violente. Pas évident aujourd’hui dans un monde de forteresses assiégées et identitaires et d’un grand flot de communications mais peu de dialogues. Un grand défi pour les chrétiens eux-mêmes parfois en forteresse. Une grande question : de quel christianisme nous faisons-nous les témoins à partir de notre engagement de chrétiens du monde rural ? de la conversation ou de l’affirmation brutale ? Cette question de la prise de parole renvoie à l’identité narrative de P. Ricoeur : une construction langagière pour proposer du sens à partir des événements de l’existence. Parler et témoigner de son histoire devient ainsi chemin de sa propre identité.
Autrefois quand le monde était plus statique (c’était même ce qui caractérisait le monde rural par rapport à la ville : l’ordre éternel des champs), la parole/ discours était un moyen de transférer des idées et des valeurs immuables et reconnues par tous (même les non-croyants). Cela constitue le transfert qui vise à reproduire une société : il fallait transférer aux jeunes générations des savoirs faire, de la morale, et des savoir-être pour qu’elles puissent se débrouiller. Or cela n’est plus possible car les évolutions sont trop nombreuses et trop profondes (I.E internet ou les technologies agricoles…ou le néo-ruralisme) et le monde est éclaté. On est alors entré dans le temps des consensus provisoires, relatifs… on est passé de la morale à l’éthique, du commun au particulier ou même au singulier avec des rejets (opting out) du collectif, de l’hétéronomie…Transmettre le charisme et l’identité est donc à ré-inventer.
Le monde est celui de l’autonomie revendiquée (la capacité de se donner à soi-même ses règles et ses convictions quant au bien et au mal) et avec elle la responsabilisation individuelle, l’indépendance… tant religieuse que des modes de vie... Ce monde-là est le monde réel dans lequel on ne transfert plus mais on peut participer à l’engendrement. La transmission est elle-même à critiquer quand elle n’est en fait qu’un transfert.
Parler d’engendrement (Bacq et Théobald) c’est reconnaitre que l’identité est une construction qui s’effectue en quelqu’un quand il décide d’appartenir à un corps (la famille des chrétiens en monde rural) et pas simplement parce qu’il adhère à des idées ou des valeurs. Cette décision se fait de multiples manières et peut être le résultat d’une lente maturation et parfois de ruptures. Appartenir, être dedans, se lier : c’est le propre de la notion de famille (spi ou bio).
C’est ce que l’Eglise des premiers siècles a dû vivre quand elle a rompu d’avec le judaïsme (lentement) en inventant d’autres manières de vivre ensemble (et de prier) et qu’avec St Paul (mais aussi avec les évangélistes) elle a pris conscience de son appel à l’universalisme. Pas facile : tensions Paul/Pierre … racontées dans les Actes des apôtres et évolution avec son expansion missionnaire (mais résistance coloniale). Un tournant récent avec la dynamique de Vatican 2. Tournant qu’ont vécu et que vivent toutes les familles spirituelles avec des refus pour certaines (intégrisme) qui sont restées dans le transfert, marquant ainsi un repli identitaire.
Le terme inculturation apparait dans les documents du Magistère vers 1979 et trouve son statut théologique dans le document de la commission théologique internationale de 1988 « foi et inculturation ». Le terme désigne tant l’adaptation du message chrétien (et donc de l’expression du charisme et de l’identité charismatique) aux évolutions de la société (et des cultures particulières et diversifiées dans cette société) que de l’impact de ces cultures sur le message ou que des mutations de l’acte de croire lui-même à cause des changements sociétaux (ex le statut des femmes ou des laïcs cf christifideles laici).
L’engendrement se réalise toujours de manière inculturée. Le défi est donc double : reconnaitre le monde à chaque moment et chercher à proposer des appartenances qui fassent grandir le bonheur. Reconnaitre le monde réel et pas idéalisé (tentation des catho) et donc l’écouter avec un minimum d’a-priori et une vraie bienveillance, l’analyser (avec des critères évangéliques pour les familles spi catho) et participer à son évolution vers plus de fraternité et de justice … et proposer des appartenances qui fassent grandir (en écoutant la manière dont l’autre l’espère, pas de projections sur lui), des propositions communautaires à la fois spirituelles et sociétales. Préoccupations non pas « positives » (moralisatrices) mais vitalisantes en sachant que la vie appartient toujours à l’autre.
Si tout cela est décliné de manière spécifique pour votre famille spirituelle et si ce rassemblement est déjà un acte d’identité narrative fort, les défis qui sont devant vous comme devant toutes les familles spirituelles contemporaines pourraient se résumer en 5 priorités :
- Redire l’identité et le charisme pour aujourd’hui sans croire que cela est évident (donc pédagogie)
- Chercher à comprendre le monde contemporain et ses dynamiques (souvent contradictoires) et les zones de liberté pour agir
- Construire ou renforcer des réseaux avec d’autres acteurs de la société et de l’Eglise
- Déployer des structures de dialogue tant en interne qu’en externe avec la question de la modération institutionnelle
- Se questionner sur les engendrements facilités et à faciliter

Un beau programme. Bonne chance

 

Témoignage de Bernadette Baudoin
Qu’il me soit permis de faire une relecture des différentes périodes de ma vie pour répondre qu’est-ce qui me rend heureux dans ce charisme.
Enfant je fus comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir car je reçu le charisme des frères bien avant de savoir ce que c’était. J’ai reçu le charisme dans le biberon.
J’ai vécu tout mon initiation chrétienne, toute ma découverte de Jésus Christ au sein d’une communauté paroissiale animée par les frères des campagnes. Je ne connaissais que cet esprit de famille ecclésial, celui des frères. J’ai découvert bien plus tard la solitude du curé de campagne dans son presbytère.
Je fus heureuse de partager avec les frères des moments forts ou des moments quotidiens simples. Au prieuré, nous étions accueillis avec ce que nous étions, là où nous en étions. C’était une maison accueillante. Toujours quelqu’un pour nous accueillir, même si ce n’était pas le frère que l’on souhaitait rencontrer le message serait passé. Quel que soit le statut frère et prêtre, le même accueil, la même disponibilité pour être avec les gens rencontrés en paroisse, au travail.
Je me souviens de nombreux visages, de nombreux noms de frères ...Gérard, Arthur, Philippe, Jean-Louis, Michel au carré, Louis, Maurice, Léon,, Bernard et comme je commence à yoyoter, j’en oublie, c’est sûr. Frères avant tout et puis certains avec une mission particulière : être prêtre tout cela m’a toujours paru naturel. J’ai appris depuis que c’était un charisme particulier reçu par le fondateur des frères.
Mes souvenirs de catéchèse sont heureux. Je mesure la chance d’avoir des souvenirs heureux de caté lorsque j’échange avec des amis leurs souvenirs plutôt tristes. Je me souviens encore de la première fois où j’ai vécu le sacrement de réconciliation dans l’église de Crèvecoeur : un grand feu a été allumé par le frère prêtre et chacun a fait brûler un papier sur lequel nous avions écrit nos manques d’amour
Nous étions accueillis, accompagnés et puis les frères nous provoquaient à aller plus loin, à prendre des engagements des responsabilités dans la catéchèse, dans les clubs ACE ou les équipes MRJC

Les années lycées furent plus complexes. Préparation du bac dans une école très privée avec des religieuses peu ouvertes la semaine. Et le week-end, vie paroissiale ou vie en mouvement avec des frères et des sœurs. Il y avait de quoi devenir schizophrène.
Mais là aussi des visages et des noms surgissent Pierre, Marie, Rachel Sans doute que ma colonne vertébrale spirituelle était suffisamment bien construite. La façon de vivre ma foi était définitivement ancré dans le charisme, mot complètement inconnu alors, des frères.
Je suis heureuse d’avoir reçu cet esprit de famille. Il m’a donné l’étoile vers laquelle regarder.
J’ai eu la chance d’être accompagnée personnellement par des frères, des sœurs et la qualité des échanges et des temps de prières ont continué à me faire grandir...
J’ai vécu des temps forts plein de joie en France, au Portugal ... Là aussi d’autres visages, d’autres noms ... Claude, Anne, Sylvie, Honorine, J.Do Amis de France et du Portugal ;
Des lieux d’accueil plutôt chez les sœurs Quatremarre, Ladon, Lombreuil, Lumigny
Dans ce charisme, le plus grand bonheur c’est d’être accueilli comme on est, on chemine ensemble, sans hiérarchie. Il n’y a pas celui qui sait et celui qui est enseigné. Dans la relation, il y a une égalité du premier sacrement que nous recevons tous, le baptême.
Quand les frères ont quitté l’Oise, j’aurai pu me dire et je pense que je me le suis dit « C’est bête le bonheur car c’est après qu’on se rend compte qu’il était là. Mais l’Esprit a continué à souffler.
Je suis entrée dans la vie adulte, je me suis mariée avec Vincent en étant accompagnés par des frères des campagnes et oui on en a eu trois rien que pour nous !!! quand on a connu l’abondance, pas facile d’entrer dans un temps de disette.
Seule, en couple ou avec nos enfants nous avons continué à avoir des liens avec des frères et des sœurs et nous avons vécu des moments de convivialité, de découvertes mutuelles bien agréables dans différents prieurés, on appellerait cela des visitations
Un groupe des amis en communion, puis de la communion pour devenir enfin la Fraternité Missionnaire des Campagnes s’est monté dans l’Oise. Il m’a semblé naturel de m’y investir.
Même si ma vie de foi n’est guère enracinée dans une vie paroissiale où le charisme des frères et des sœurs peut être source d’incompréhension mutuelle au sein de la paroisse, je vis avec la conviction que tout baptisé peut entendre ou lire la Parole, dire comme il reçoit cette Parole, oser et annoncer que c’est une Bonne Nouvelle.
Mais seul un chrétien meurt. IL a besoin des autres.
Alors je suis heureuse d’être là avec vous pour fêter ce charisme. Je continue à rencontrer, à échanger librement avec des chrétiens ou non au sein du groupe de la fraternité Oise, de l’équipe de coordination nationale. De nouveaux des noms, des visages Nathalie, Philippe, Michel au carré, Thérèse, Marie au carré, Jacques, Annie, Jeanine, Danièle, Anne-Marie, Emmanuel, Stéphanie, Odile, Daniel, Xavier et vous tous
Ce que je vis du charisme aujourd’hui, c’est être avec ma famille, mes collègues, mes amis et mes connaissances. Dans le quotidien, j’essaie de vivre modestement le message du Christ.
Accueillir l’autre sans juger, lui donner du temps et de l’écoute pour lui permettre d’exister, d’être reconnu.

 

 

Témoignage de sœur Geneviève  

 

Soeur Marie me demande de témoigner sur ce qui me rend heureuse dans le charisme des SC
Tout de suite je pense qu’il me faut me souvenir de mon chemin vocationnel.

A 15 ans, l’appel du Seigneur s’est inscrit en moi, alors que je découvrais le grand amour du Seigneur :
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné sa vie pour nous »
Comment répondre à un tel amour ?
En quittant tout pour le suivre. Cela me parait comme une évidence. Mais, j’ai 15 ans !

Ensuite, bien des années plus tard, après un enfouissement de la question, j’ai mis du relatif sur le choix de la Congrégation. L’essentiel pour moi, c’était de donner ma vie dans la vie religieuse.

A 20 ans, je prends contact avec une congrégation.
La date de mon entrée était fixée. Le lieu, la liste du trousseau, le voyage……..

Mais il me restait plein de questions que je mettais en second, mais qui touchaient justement le charisme de proximité, je le comprendrai plus tard.

Je fais le pas d’aller voir un prieuré de Sœurs des campagnes. Je rejoins tout de suite la manière des Sœurs de vivre les contacts avec les gens. Une manière de se situer qui rejoint ce que Sr Ghislaine exprime, à la première page des Constitutions :
« Nous voulons être assez proches pour « recevoir » de tous, de ceux qui sont proches et de ceux qui sont peut-être loin, et engager conversation avec eux » Et aussi « Percevoir en un unique appel, l’invitation du Christ à le suivre, dans un don total, à la louange de gloire de son Père, et à être ses témoins parmi les ruraux, dont il nous fait rejoindre plus vivement, les besoins spirituels et les ressources propres ». Elle souligne « les besoins » mais aussi «les ressources ».

Tout est dit !

Si l’être avec le Christ est toujours à cultiver, il en est de même de la vie communautaire.
C’est un combat de toute la vie ! Pas de tout repos !
Apprendre à regarder mon frère, ma sœur, comme le Seigneur les regarde ! Ce n’est jamais fini.

« L’être avec » ceux avec qui nous vivons, s’adapte à chaque étape de la vie.
A 85 ans, il s’exprime autrement. Compte tenu des forces qui diminuent, des handicaps qui viennent avec l’âge comme la surdité.

« L’être avec » concerne le quotidien de la vie : les contacts de voisinage, ou avec la paroisse….

J’ai la chance de pouvoir marcher. Occasion de rencontrer ceux qui promènent leur chien, ou qui marchent à plusieurs, ou tout simplement, comme moi, qui en font une thérapie, pour le bien du corps.
Mes années de présence à Lumigny me donnent des avantages : des rencontres, des voitures qui s’arrêtent pour parler….C’est sympa !

Il y a aussi, et c’est peut-être premier, tout ce qui concerne l’ouverture au monde y compris la sauvegarde de notre maison commune, la terre. Cela fait partie du charisme !
Communier à ce monde blessé, violent, qui se durcit de jour en jour. Mais aussi essayer de saisir les petits signes de vie, d’espérance ! Les journaux, les émissions de télé sont là pour nous aider et c’est notre mission de porter cela dans la prière. Tout est lié dans le charisme !

Aujourd’hui, c’est ainsi que je vis la mission. Que sera demain ?

Mais quel que soit l’âge et les lieux de présence, les axes importants sont toujours les mêmes :
- « Être avec le Christ, dans son intimité. A l’écoute de sa Parole, toujours neuve !
- « Être avec mes sœurs, en prieuré. C’est à construire jour après jour…….
- « Être avec ceux parmi lesquels le Seigneur nous a placés pour témoigner de son évangile, et dans une ouverture au monde.

C’est un bonheur de répondre à cet appel ! Si c’était à refaire, je le ferais !

 

Témoignage de frère Jean de Flaujac 

Je ne sais pas si mon propos va répondre à l’attente qui a été demandé. Le charisme se vit à travers la vie des frères aussi je vais parcourir à grands traits le déroulement de ma vie, à chacun d’y découvrir des aspects du charisme FMC

Je suis né en Dordogne d’une famille chrétienne, très jeune j’ai entendu un appel pour donner ma vie à Dieu. Un appel sans cesse repoussé à plus tard. Je ne me voyais pas au séminaire. Je trouvais les prêtres trop seuls dans un presbytère et les moines trop retirés du monde.
Torturé, angoissé par cette emprise de Dieu que je n’arrivais pas à évacuer, je demandais à Dieu de m’éclairer.
‘’Seigneur que veux-tu que je fasse.’’
A 25 ans après les études secondaires, le service militaire et un travail sur la ferme familiale il fallait me décider sans plus attendre. J’ai été à l’abbaye de Ligugé, un moine m’a parlé des Frères Missionnaires de Campagnes. Je suis allé à La Croix sur Ourcq. Cette visite a été pour moi une libération.
Mener une vie religieuse simple au milieu d’une population rurale dans une communauté de frère prêtre et laïc m’a séduit. Dès lors la question d’être prêtre ne se posait pas. La famille et des personnes me posaient la question ‘’toi pourquoi n’es-tu pas prêtre’’. Ma réponse était de dire: cela tient à ma vocation. Moi je me sentais à l’aise comme religieux sans avoir besoin de la reconnaissance d’un ministère ordonné. Je n’ai jamais mis en question ce choix de religieux laïc.
Avec les années de formation chez les FMC je suis passé d’un Dieu lointain à un Dieu en Jésus Christ incarné et présent dans la vie des hommes.

J’ai eu la chance d’avoir eu une vie pleine et enrichissante pendant 28 ans à Canappeville avec trois axes : une vie religieuse communautaire, une vie professionnelle, une vie de témoignage de foi en Jesus Christ.

1. Une vie communautaire dans la simplicité, le partage des services du prieuré, les rencontres communautaires, le soutien de la prière communautaire et personnelle nourrie par les rencontres des personnes avec leurs peines et leurs joies.

2.Une vie professionnelle à Canappeville. J’ai fait le stage de ‘’Maitrise en élevage’’ puis j’ai suivi un cycle de formation de technicien agricole pour prendre la responsabilité de la ferme comme chef de culture. Cela a été une vie professionnelle enrichissante de travail avec les organisations professionnelles et le travail sur le terrain avec des voisins.
Avec la pratique agricole j’ai dû assurer auprès des stagiaires l’enseignement de l’agronomie et la production fourragère. La formation permanente était pour moi indispensable pour assurer les cours auprès des stagiaires mais aussi auprès des éleveurs qui venaient en session et sans compter que tous les trimestres il fallait écrire un article dans l’Abreuvoir indispensable pour clarifier ma pensée pour dire ce que nous faisions sur le terrain.
Il y a eu les rencontres des formateurs avec les moniteurs des Centres d’élevage, des sessions régionales et nationales sur la production fourragère et des voyages.
Nous avions des relations amicales avec les moniteurs du centre que j’entretiens encore avec certains

3. Une vie de témoignage par l’accompagnement d’équipe CMR, cela a été pour moi l’occasion de rencontrer des familles avec leurs soucis, leurs joies professionnelles et familiales. Cela m’a obligé particulièrement à travailler l’évangile et les questions d’actualité, objet des rencontres CMR.

L’équilibre de ma vie s’est réalisé par un travail manuel sur la ferme, intellectuel pour assurer des cours et l’accompagnement d’équipes CMR, une vie de relation de proximité et bien au-delà.

Puis j’ai été élu au Conseil général FMC pour un mandat de 6 ans à La Houssaye en Brie, cela a été ma mise à la retraite professionnelle. Une vie faite de service et de rencontre avec les frères en prieurés et la relation avec des professionnels du bâtiment pour la rénovation du bâtiment accueil de La Houssaye.

Aujourd’hui après 10 ans à Chichery en lien avec le ‘’lieu d’Église du Puits d’Hiver’’, je suis au prieuré de Brienon au service des frères qui sont en EPHAD, par des visites et la relation avec le personnel. Actuellement ils sont 4.
La vie continue avec la vie communautaire, la participation aux activités du ‘’Lieu d’Église’’ (célébration, café à thème, conseil d’administration, groupe de marche) puis la participation à des associations, (Accueil des Familles en Attente de Parloir à la maison d’arrêt à Auxerre, le Centre d’Étude et d’Action Sociale pour produire des documents sur les questions d’actualités).

Cela est une vie qui m’a beaucoup appris sur la condition humaine avec ses richesses et ses limites.
Ce qui m’étonne encore c’est que de nature réservée je me suis souvent trouvé en responsabilité.

 

Témoignage de Pascal et Agnès Burosse 

Comment avons-nous reçu ce charisme ?

Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu ce témoignage.

Pascal a grandi à Rozay en Brie, où il y avait un prieuré de frères.
Ses parents sont peu pratiquants mais ils sont tournés vers les autres en animant activement une association locale initié par les FMC, en entretenant des liens de proximité avec les voisins, en s'engageant à la mairie... Frères Jean-Yves, Bernard-Marie et Roger … lui ont fait le caté. ACE avec Sr Jeanne Dominique, Marie-Françoise, MRJC avec Fr François, puis Fr Claude, La proximité avec les prieurés de Lumigny et Rozay multiplie les occasions de rencontrer l'un ou l'autre frère ou sœur. Plus tard, Flash Amitié et le CMR avec Fr Claude renforce ce lien.

 

Agnès a grandi à Auvilliers en Gâtinais, dans le Loiret. Les rencontres CMR auxquelles participent ses parents ont souvent lieu à Lombreuil ou à Lorris. Sr Marie (Blin) vient aider au caté sur la paroisse de Beauchamps. Plus tard, les trajets pour aller au Pont de Pierre pour les réunions MRJC sont souvent assurés par Ginette (Sr Geneviève Marie). Elle participe aussi aux rencontres recherche foi avec Fr Gilles. L'Evangile est ouvert, lu, décortiqué, Il devient Parole vivante.
Et puis ses parents donnent l'image d'une foi engagée, concrète, avec entre autres des responsabilités à l'ADMR, association d'aide à domicile, à SOS paysans et bien sûr à la paroisse.

Tous les 2, nous avons participé à des camps et week-end proposés par le réseau flash amitié, occasions d'échange, de partage d'Evangile et ce qui fait notre vie et notre foi. La fraternité vécue dans le partage en toute simplicité nous a donné un avant-goût du charisme des frères et des sœurs. C'est lors d'un WE à La Houssaye (1er mai 1989) que nous nous sommes rencontrés. Ce fut aussi l'occasion de nouer de solides amitiés qui durent encore.

Quand on nous a proposé de rejoindre le groupe des Amis en communion de Seine et Marne au début de notre mariage, nous avons aimé les rencontres fraternelles, en réciprocité, en simplicité pour partager notre vie de foi. A l'époque, notre attachement au milieu rural se traduisait par notre installation dans un village de sud Seine et Marne et notre insertion locale dans la vie paroissiale, la vie de l'école, la vie associative. Nous faisions le trajet pour les rencontres sur Lumigny ou La Houssaye.

Mais la dimension de famille spirituelle, nous l'avons encore plus expérimentée, vécue en participant à plusieurs semaines vacances partage, à des retraites, ou des WE. Ce sont des temps forts que souvent nous avons construit, animé en collaboration, en complémentarité frères, sœurs, laïcs et c'est une vraie richesse. Pour ma part, j'ai participé pendant près de 10 ans à l'équipe de coordination des Amis en Communion.

Comment nous le transmettons ?

Je ne sais pas ce que l'on transmet précisément.
Ce qui est sûr c'est que nous essayons de le vivre, encore aujourd'hui, même en habitant en ville. Nous sommes heureux de pouvoir participer aux rencontres de la FRAT dans la Drôme.

Notre attachement au milieu rural se fait par notre lien avec le CMR du Rhône, notre participation à une équipe et aux temps forts proposés par la fédé.
Le « vivre avec » du charisme de la fraternité missionnaire se traduit par notre participation à la vie paroissiale, là où nous habitons. Nous sommes de ce quartier, nous participons à la messe du quartier même si nous ne nous retrouvons qu'un peu dans la spiritualité de la Communauté de l'Emmanuel qui anime la paroisse.
Le « vivre avec » se traduit aussi par notre participation à la vie localement : conseil syndical, commission espaces verts, jardin partagé. Occasion en tissant du lien, de faire grandir la fraternité (euh au conseil syndical, c'est pas gagné !)

L'attention aux plus petits s'est traduit par l'accueil temporaire de migrants dans le cadre du service jésuite des réfugiés et qui s'est transformé par un accueil qui devait être temporaire et, qui a duré 3 ans et demi. Et par l'accompagnement, toujours actuel, d'un afghan dans ses démarches administratives, entre autres pour faire venir sa famille.

Aujourd'hui, dans le groupe de la Fraternité Missionnaire en Rural en recherche d'un lieu type habitat partagé, nous espérons y vivre une nouvelle étape de notre vie.

Ce charisme qui nous a animé depuis longtemps, nous souhaitons pouvoir continuer à en vivre et le faire connaître autour de nous (même si c'est un peu raté avec nos enfants).

 

Témoignage de frère Augustin à la Houssaye en Brie

                            Transmission du charisme.

                De mon expérience de maître de nos novices.

En faisant une petite relecture du passé, je peux dire que transmettre le charisme relève d’une expérience personnelle et commune.

La transmission, avant d’être un enseignement magistral, est une manière d’être, un témoignage de vie qui peut interroger d’autres.  

 Cependant, les méthodes de transmission diffèrent selon les formateurs et selon les jeunes à accompagner. De fait, je n’ai pu m’en servir d’une seule méthode pour tous et pourtant c’est le même charisme à transmettre.

Certes, la transmission du charisme part d’une même base de stratégie d’approche, que nous aimons appeler : « être avec. »  Être avec le Christ, avec ses frères en communauté, enfin avec nos frères et sœurs les ruraux.  Ce principe vaut aussi pour la formation des jeunes :

C’est en étant attentif, à chacun d’eux dans la réflexion, à l’accompagnement spirituel, dans le travail manuel, dans la fête, les moments de détentes mais aussi dans les moments difficiles ou d’épreuves, qu’on apprend à les connaitre un peu afin de pouvoir les accompagner.   

Comme je l’ai dit au départ, la transmission est une question qui relève plus du témoignage que de la parole. Cela ne veut pas dire que celui qui transmet est parfait ! Non ! Au contraire c’est en étant lui- même et en faisant des efforts, qu’il éduque par sa vie les jeunes…. Il lui faut surtout apprendre être humble, à s’effacer, à dire comme Jean-Baptiste : il faut que je diminue et qu’il grandisse !

Un autre aspect important est celui de l’effet culturel : le charisme comme l’Evangile se transmet dans une culture donnée.  De même qu’il faut tenir compte de l’histoire personnelle de chaque jeune, de même, sa culture est une dimension importante. Sinon la transmission serait comme de l’eau versée sur le dos d’un canard. Le contexte culturel et l’histoire personnelle d’un jeune tiennent une place capitale dans l’initiation.

Mais comment transmettre le charisme aujourd’hui ?

Je pars principalement d’une citation du Père : « quoi qu’il en soit des périodes de notre histoire, quoi qu’il en soit des hommes qui composent et composeront notre communauté, quoi qu’il en soit des conditions dans lesquelles les frères Missionnaires des Campagnes ont aujourd’hui et auront dans l’avenir à servir un monde dont la face continuera à changer, ce qui importe, c’est qu’un même esprit demeure. Esprit des premiers jours de la fondation, Esprit qui devra être celui de tous les jours de la vie de la congrégation…  Esprit dont le Saint Esprit ne demande qu’à maintenir intacte la jeunesse toujours créatrice » lettre de mars 1961 publiée dans en mission dans le monde rural.

Jeunesse toujours créatrice. Dans la transmission du charisme non seulement nous devons tenir compte des cultures et de l’histoire personnelle, mais aussi des générations. Notre époque est imbibée dans la culture numérique, où nous assistons à la révolution de différents moyens de communication. Les jeunes sont profondément marqués par cette culture. L’éducation familiale devient de moins en moins consistante et non maitrisée par les parents. Nous avons à la fois le rôle d’initiateur et d’éducateur comme formateur en vie religieuse. Nous avons surtout à chercher à connaitre l’utilisation de ses moyens, afin de pouvoir exploiter le positif et éclairer nos jeunes sur leur côté deshumanisant.  

Nous ne pouvons plus utiliser la même manière de conduire les jeunes d’aujourd’hui comme ceux il y a de cela 25 ans ou plus.  L’information va vite. La liberté est de plus en plus réclamée et l’égalité est prônée !  

Le monde est devenu un seul village, beaucoup ont accès aux informations grâce à l’internet.

Nous sommes appelés à nous situer autrement : instaurer plus de dialogue en acceptant de nous déplacer de nos acquis, de nos ornières d’hier. Il nous faut rejoindre les jeunes dans leur univers ambiant et discerner l’appel de Dieu aujourd’hui dans leur vie telle que nous la voyons. Nous sommes invités à plus de créativité et d’adaptation selon les besoins de chaque époque.

La transmission en Afrique passerait plus aujourd’hui par des signes visibles, des signes d’appartenance par exemples…habit religieux. C’est un monde de signes……  C’est en ce sens que le formateur ne peut se substituer au charisme, car le charisme lui échappe lui-même avec le temps s’il ne reste pas éveillé… Car il est un don de Dieu que l’Esprit renouvèle en lançant toujours des nouveaux appels. Il nous faut toujours consentir au travail de l’Esprit !!!