1989 07 Julien Bruand snap
La précédente Chronique a rendu compte de l'A-Dieu au Frère René Sourice. Aujourd'hui elle évoque le Frère Julien Bruand. En moins de trois mois la Congrégation vit l'épreuve de deux morts subites qui touchent particulièrement le Prieuré de Lagameças. C'est une taille douloureuse pour nous et pour la mission.

Né le 7 décembre 1940 dans une famille rurale à Athée (Mayenne), Frère Julien est entré chez les FMC en 1965 après avoir passé quatre ans au grand séminaire de Laval. Après sa Profession perpétuelle en 1970, il vit dix ans dans le diocèse de Soissons, aux Prieurés de La Croix et de Charly, où il travaille en usine, participe à l'alphabétisation des émigrés portugais, à la vie syndicale et à des organisations qui agissent dans le sens de la non-violence.

Il est ensuite envoyé au Portugal. Il s'était porté volontaire dès la fondation du Prieuré de Lagameças. Il garde un travail d'ouvrier, poursuit des engagements avec des organismes qui militent pour la paix et l'information sur les minorités et les peuples opprimés (Pax Christi). Il prend part à l'animation de groupes bibliques et à la préparation d'adultes au baptême. Il est accompagnateur du MAC (action catholique des enfants).
Ce sont des enfants, réunis avec lui pour la préparation d'un camp, qui donneront l'alerte au moment de son hémorragie cérébrale foudroyante. Il est mort le vendredi 7 juillet à l'hôpital de Lisbonne.

C'est vraiment le peuple de Dieu dans toute sa diversité qui s'est rassemblé dans une même communion dans l'église de Poçeirâo le mardi suivant pour exprimer à Dieu sa souffrance, son action de grâce et son espérance, ainsi que pour témoigner sa sympathie aux Frères Eugène, Pierre-Marc et Michel, et aux membres de sa famille, sa maman, son frère, ses deux sœurs et sa filleule.
Chacun a ressenti combien les Frères et les Sœurs sont du pays : « il faisait vraiment partie de nous ». Pauvres et riches, voisins et amis, religieux(ses) d'une dizaine de Congrégations, militants d'action catholique, de Pax Christi, paroissiens des divers villages environnants et de la zone, prêtres ouvriers, représentants de l'évêché, chrétiens de longue date et en cheminement, adultes récemment baptisés ou confirmés... le peuple de Dieu célèbre l'eucharistie. Il s'exprime avec des chants, des symboles, des paroles qui évoquent la paix, la justice, les peuples en quête de pain et de liberté, l'engagement du chrétien avec ses conséquences sociales, les vocations nécessaires pour la terre de l'Alentejo et tous les ruraux.

Les enfants resteront au plus près du cercueil. Les jeunes femmes baptisées dans la nuit de Pâques, que Frère Julien avait accompagnées dans leur cheminement, voudront porter elles-mêmes le cercueil.

Alors qu'il est entré dans une communion sans frontières, dans une vie sans limites, à la suite du Christ, son corps repose au cimetière de Poçeirâo, dans cette terre portugaise où il a voulu être témoin de la vie et de l'amour de Dieu pour chacun : «Ce que tu as fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que tu l'as fait». Devenu l'un d'entre eux, nous avons fait l'expérience que dans la maladie et la mort il ne nous appartenait plus.

Une célébration dans l'église de son village natal a réuni sa famille, ses amis de Mayenne, Frères et Sœurs, le 17 juillet.

«Qui sera notre accompagnateur ?» disent les jeunes du MAC. «Il faut regarder en avant, comme vous dites en français, avec courage», nous dit un prêtre portugais.

Que les vies données de nos deux Frères, René et Julien, soient semence pour la mission en rural, afin de pouvoir poursuivre jusqu'au bout l'œuvre commencée, comme nous y appelle une des dernières notes de Julien posées sur son bureau : «Le chemin qui descend à la source... C'est un chemin long et complexe et, de plus, rendu constamment précaire soit par la fragilité intrinsèque des desseins et des réalisations humaines, soit par les mutations des conditions externes extrêmement imprévisibles. Il faut cependant avoir le courage de se mettre en route et, lorsqu'on a fait quelques pas ou parcouru une partie du trajet, aller jusqu'au bout».


Extrait de CHRONIQUE des FMC et SC – N° 168 – Septembre 1969