Une des richesses de notre charisme de Frères et Sœurs des Campagnes, c’est bien de mettre nos pas dans ceux de Jésus qui parcourait villes et bourgades proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume.

Si nous allons peu en ville, par contre, c’est bien de bourgades en villages, qu’avec nos limites, nous nous efforçons d’être, en communauté, témoins de cet Evangile que nous avons reçu de Jésus.

Tel est bien l’axe majeur qui a guidé la route de Sr Jeanne tout au long des étapes qui ont jalonné son parcours, au cours duquel l’authenticité de son attachement à Jésus était reconnu et perçu dans sa vérité. Je n’en donnerai pour signe que la confiance que lui ont témoigné les habitants de Lombreuil quand ils lui ont demandé de participer au Conseil municipal et d’apporter ainsi sa part à la recherche du bien commun du village.

Elle l’a fait à sa façon, c'est-à-dire sans bruit, avec une discrétion et une humilité que les années et les épreuves de santé n’ont fait qu’accentuer, au point qu’elle semblait confuse de se laisser servir, comme il va presque de soi dans une maison de retraite, sans rien perdre de sa reconnaissance et de son admiration pour les Soeurs qui l’accompagnaient, pour le courage, le témoignage de foi et de gentillesse de nombreux résidents et pour l’attention et les services des divers personnels de la maison.

Avant d’en arriver à cet abandon total et tant qu’elle a eu quelques forces, on reconnaissait son chapeau de paille, penché encore vers la terre, pour entretenir une haie ou un massif autour de la maison. Elle témoignait ainsi de cet amour de la terre qu’elle travaillait avec passion et efficacité, comme il se doit d’une véritable jardinière. Il lui a sans doute été apaisant de terminer sa route dans un cadre rural verdoyant où la nature permet de cicatriser les angoisses et les blessures subies, encore aujourd’hui, par ces foules de gens las, prostrés et démunis qui avaient déjà si vivement suscité la tendresse et la pitié de Jésus, le bon pasteur, qui les voyait comme des brebis qui sont sans berger.

Oui, Jeanne a connu, elle aussi, une part des angoisses qui traversent si tragiquement l’immense majorité de l’humanité mais elle a ressenti, en même temps, la profonde pitié de Jésus pour elle, dans sa prière missionnaire de supplication et d’intercession, elle a fidèlement communié à la tendresse et à la miséricorde bienveillante du Seigneur, envers tous les blessés de la vie.

Les études récentes sur la psychologie des personnes âgées de même que le témoignage des spécialistes de la gérontologie tendent à confirmer que l’axe majeur qui a orienté une existence se manifeste encore souvent dans les réactions qui marquent la fin de cette vie. Cela me semble rejoindre la réflexion d’un Frère qui a une longue expérience d’accompagnement d’autres Frères, jusqu’au terme de leur routes. Il précisait dans quel sens il entendait l’expression « fin de la vie » en disant que c’était «  la fin du fin » d’une vie, qui se révélait ainsi, c'est-à-dire qu’elle témoignait de ce qui avait été vécu de meilleur et de plus profond par la personne décédée.

Il me semble que cette vision des choses est confirmée par la façon abandonnée et soumise dont Sœur Jeanne a achevé sa route terrestre à la Résidence St Loup, mettant en œuvre jusqu’au bout la consigne suprême de Jésus à ses amis : « nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères ». On pourrait penser qu’aux derniers mois d’une longue vie, quand toutes les ressources humaines nous ont abandonné, on n’ait plus rien à donner et pourtant sr Jeanne trouvait le moyen d’offrir à ses Sœurs, aux Frères et sans doute à d’autres proches encore, les chocolats et autres friandises qu’elle pouvait recevoir de sa chère famille et personnellement je n’oublierai pas la belle orchidée blanche qui a décoré, plusieurs semaines durant, l’oratoire témoignant à nos yeux chrétiens des merveilles de la création et de la joie qui rayonne à travers tout ce qui est généreusement partagé.

En ce lendemain de la St Augustin je n’hésite pas à citer une de ses paroles qu’à mes yeux Sr Jeanne a authentiquement réalisée dans la plus grande discrétion qui soit : «  Ce que Dieu attend de toi ce n’est pas tes biens c’est toi même ! ».  Dieu Soit béni !

Fr Jacques Dentin