On est amis ? C’est la question que pose Pauline à chaque personne qu’elle rencontre.
Dès qu’elle obtient une réponse positive, son visage s’illumine.
Pas besoin de plus de mots, Pauline est ainsi assurée d’être aimée, et cela suffit à son bonheur ! Comme beaucoup d’autres personnes touchées par le handicap, Pauline a très bien compris que la seule chose qui compte dans sa vie c’est d’avoir des amis, des personnes capables de l’aimer telle qu’elle est, et qu’elle puisse aimer en toute confiance.
Cependant, lorsque le handicap vient bouleverser la vie d’une famille, c’est justement souvent le tissu relationnel et amical qui est le premier touché. Des proches s’éloignent, par peur, par ignorance ou par gêne. Le handicap rend le maintien de la vie sociale de plus en plus difficile. Comment sortir ou inviter des amis chez soi quand toute la vie est organisée autour d’un enfant autiste ou polyhandicapé ? Comment trouver l’énergie pour des activités le week-end après une semaine partagée entre soins et vie professionnelle ?
Depuis la fondation de notre communauté les Frères de Jésus serviteur, nous nous sommes sentis appelés à rejoindre par l’amitié les personnes touchées par le handicap. Nous cherchons à faire de notre prieuré Saint-Nicolas à Rozay-en-Brie un lieu fraternel d’accueil pour eux et pour leurs proches.
Il s’agit de vivre avec nos amis handicapés une vraie communion fraternelle. Et pour cela, il nous faut avant tout nous mettre à leur école. Car ce sont très souvent eux qui nous apprennent le véritable amour fraternel, à la manière du Christ.
Ainsi, Paul, qui part chaque été en vacances avec nous, est un exemple de fidélité dans l’amitié ; il demande régulièrement des nouvelles de toutes les personnes rencontrées ensemble, depuis plus de 15 ans, dont parfois nous avions même oublié le prénom. Et il questionne notre propre fidélité, en nous demandant souvent : Est-ce que vous m’emmènerez toujours avec vous ?
Gilbert, quant à lui, a été traumatisé enfant par des mensonges d’adultes à propos du décès de sa mère. Depuis, il souffre de fortes angoisses et d’un sentiment permanent d’insécurité. Pour bâtir une relation d’amitié avec lui, il faut apprendre à ne dire que des choses certaines, qui ne pourront jamais être contredites par la suite. Un très bon chemin pour apprendre à grandir dans la vérité et la confiance !
François, de son côté, nous apprend à garder la joie en toutes choses. Il a le don de se réjouir de tout, particulièrement de chaque personne rencontrée, et de communiquer sa joie tout autour de lui. Lorsqu’il est dans un groupe, il sait créer le lien avec tout le monde, et transformer en moins d’une journée un groupe d’inconnus en une joyeuse communauté !
Et lorsque nous retrouvons nos amis hébergés dans les foyers de vie, nous apprenons à porter une attention individuelle à chacun, les appeler par leur prénom et savoir ce qui compte pour eux. Transmettre la Bonne Nouvelle de l’Évangile auprès des personnes en situation de handicap commence par se rendre proche de chacun. Alors nous pouvons nous réunir pour prier et célébrer ensemble.
Ainsi, il y a quelques temps, alors que j’étais dans un foyer dont je suis l’aumônier, je croise Michel qui était avec une nouvelle aide-soignante. Voulant me présenter à elle, il lui dit : C’est Frère Marc. Chaque fois qu’il vient ici, il me parle et m’appelle par mon prénom. Quand j’ai eu le coronavirus l’an dernier, il est venu me voir dans ma chambre. Il ne parlait pas d’abord de l’aumônier, il parlait de son ami...
Frère Marc de Jésus serviteur
Rozay en Brie (Seine et Marne) (Article paru dans Chronique 295 de juin 2021)