Des cercles de silence existent dans 130 villes, en France. Le premier a eu lieu à Toulouse en 2007, à l’initiative d’Alain Richard, franciscain,pour protester contre les conditions de vie dégradante réservées aux personnes enfermées dans les centres de rétention, en attendant d’être expulsées. Pendant 17 années, j’ai été amicalement accueillie par mes frères africains du Togo et du Bénin. De retour en France, il m’est impossible de rester insensible aux souffrances engendrées par le non-respect de la dignité de nombreux immigrés, venus chez nous, souvent en espérant trouver de quoi vivre. C’est ce qui m’a conduite à participer régulièrement aux cercles de silence, à Aix-en Provence… Nous nous retrouvons de cent à deux cent personnes, le deuxième samedi du mois, formant un grand cercle pour trente minutes de silence. L’endroit choisi est un espace piéton où les passagers sont nombreux : les uns et les autres contournent le cercle, certains continuent leur route avec indifférence, d’autres questionnent les personnes disponibles pour informer par un tract sur ce qui se passe, quelques-uns entrent dans le cercle de silence, d’autres encore expriment, parfois violemment, leur désaccord. Et les silencieux continuent paisiblement à demeurer en silence… Ici et là, des per sonnes du cercle portent des affichettes la dignité des personnes ne se discute pas, elle se respecte ou le silence pour crier notre indignation souvent une phrase en lien avec les évènements du moment, par ex. ne fragilisons pas le droit des étrangers…
Pourquoi choisir le silence, pour réagir ?
Le silence nous permet une communion profonde au-delà de bien des divergences : j’aime poser mon regard sur ceux avec qui je fais cercle, d’âges et de conditions sociales différentes, d’opinions politiques variées, croyants en Dieu ou non… mais tous, soucieux que la dignité humaine soit respectée, reconnaissant dans ceux qu’on opprime des frères en humanité, quelle que soit l’origine, la couleur de la peau, leur passé. Il est certain que s’il y avait discussion entre nous, celle ci deviendrait vite difficile, il y aurait opposition, violence verbale. Chacun face à sa conscience
Réagir avec silence entraîne chacun à se situer au niveau de sa conscience, aussi bien ceux qui subissent l’injustice que ceux qui sont complices de ces situations. Qui d’entre nous peut affirmer qu’il a toujours une attitude fraternelle vis-à-vis de l’autre ? Ma pensée rejoint toutes les familles clandestines, en France, toujours sur le quivive d’un contrôle, d’une arrestation, d’un renvoi dans leur pays… et aussi ceux qui, là- bas, continuent de croire à un avenir meilleur pour eux en Europe et que tant de déceptions, d’humiliations attendent, même s’ils arrivaient à franchir la mer… Je me sens bien fragile, peu courageuse, en comparaison à tous ces militants, de pays et de continents divers, qui, lorsqu’ils prennent la décision de manifester leur opposition à des lois, à un comportement ambiant, savent que la prison ou la mort peut les attendre. Ce temps de silence est aussi marqué par un cri vers Dieu, rejoignant les cris et l’espérance de tant de personnes. Entends les cris silencieux des hommes monter vers Toi, Seigneur !
Sœur Marie-Bernadette COLINEAU
Prieuré Sainte Marie-Madeleine Meyrargues (Bouches du Rhône)
Chonique de Mars 2011