Depuis l’enfance, j’ai pensé me donner au Seigneur dans la vie religieuse. Je ne connaissais pas de religieuses, mais en famille on parlait souvent de Ste Thérèse de Lisieux. Et je rêvais d’aimer Jésus comme elle. En janvier 1944 maman meurt ; j’ai quinze ans. Nous sommes huit enfants et je suis l’aînée, le plus jeune a sept ans. La fraternité et les responsabilités, c’est d’abord en famille que je les ai apprises. Mes parents tenaient un commerce. Profondément chrétiens, ils nous ont appris très jeunes à prier, mais aussi à être attentifs aux personnes de la commune. Je suis partie en apprentissage de couture et j’ai pu m’établir à mon compte comme couturière. A la même époque, je me suis engagée dans la JACF. Le premier numéro de « Militante jaciste » que je reçois raconte la prise d’habit de Sœur Ghislaine ; l’article est signé de Marguerite Bousquet, qui sera la deuxième des « premières Sœurs » !
Chez les Sœurs des Campagnes
Je mets ce numéro de côté ; à l’époque mon souci était de n’être influencée par personne quant à l’orientation de ma vie. A vingt-deux ans, après une demande explicite de mariage, je décide de me faire éclairer par notre aumônier. Celui-ci connaissait la fondation des Sœurs des Campagnes, mais était très soucieux de ne pas m’influencer. J’ai rejoint la congrégation en septembre 1951. Au noviciat, je découvre l’Ancien Testament avec les commentaires aidant à percevoir le dessein d’amour de Dieu pour l’humanité. Découvertes qui s’approfondissent avec les années et les nombreuses occasions de formation qui nous sont offertes : sessions, lectures, réflexions à partir de ce que nous vivons dans le travail et des événements du monde. Pendant dix ans, de 1963 à 1973, j’ai eu la chance de faire partie de l’équipe d’animation de ce que nous avons appelé « Le Stage de Bourges ». Ce stage regroupait chaque été, dans les locaux de l’ancien grand séminaire de Bourges, une soixantaine de religieuses de diverses congrégations insérées dans le monde rural. C’est une expérience qui m’a beaucoup apporté.
Une passion pour la bible
Et puis ce furent quinze ans dans le Cher où j’ai été employée comme vendeuse en boulangerie, occasion de beaucoup de liens avec les clients, avec les représentants de commerce et bien sûr avec mes employeurs qui me faisaient totalement confiance. J’assurais en même temps une part de catéchèse et d’animation liturgique. Pendant cette période, nous avons pu, durant cinq années, bénéficier de la compétence de Frère Gilles Becquet qui nous aidait à entrer dans la bible pour qu’elle éclaire notre vie. Après son départ du Cher, j’ai proposé qu’on se retrouve avec quelques personnes pour lire ensemble la bible, ce qui s’est fait d’abord à Châteaumeillant, puis à Ids St Roch sur le secteur du Châtelet. Là, trois personnes appartenant au protestantisme ont rejoint le groupe, ce fut une riche expérience. Dans le même temps, cette passion pour la bible m’ouvrait à notre enracinement dans le judaïsme. Mon plus jeune frère était à cette époque secrétaire de l’épiscopat pour les relations avec le judaïsme, et nous en parlions.
L’âge de la retraite professionnelle a sonné
Après un passage au prieuré de Meyrargues, où j’ai pu suivre diverses conférences chez les Pères Jésuites de la Baume, près d’Aix-en-Provence, j’ai été envoyée dans le Tarn-et-Garonne en vue de chercher un lieu pour un prieuré de Sœurs aînées. A la mi-août 1994 nous arrivons à Gimont dans le Gers. Nous sommes cinq Sœurs, toutes à l’âge de la retraite professionnelle. A Gimont il y avait suffisamment d’associations, dans la commune et en paroisse, pour que chacune de nous puisse s’insérer dans un groupe sans avoir à y assurer une responsabilité. Après une première année d’insertion, j’ai eu envie de proposer à nouveau un groupe de lecture de la bible. A la fin de l’année jubilaire, en 2000, notre évêque a souhaité que dans le diocèse d’Auch beaucoup de petits groupes se retrouvent pour lire un évangile en continu ; ce qui s’est fait. Je suivais alors trois équipes. Nous avons lu ainsi les trois évangiles synoptiques: Matthieu, Marc et Luc ; ensuite les Actes des Apôtres, puis les Psaumes. Certains de ces groupes continuent toujours.
Une autre étape
Depuis septembre 2008, me voici à Cheny dans l’Yonne. L’âge avançant, les activités se réduisent, mais je suis heureuse d’animer à nouveau, cette année, un groupe de lecture de St Luc et un autre qui réfléchit, à partir d’un livret proposé par le diocèse, sur l’année sacerdotale. Après bientôt soixante-ans de vie religieuse, je ne peux que redire : Tu m’as séduit, Seigneur… et je te rends grâce de m’avoir choisie pour servir en ta présence.
Sœur Thérèse-Marie DUJARDIN
Prieuré Ste Catherine Labouré Cheny (Yonne)
Chronique de Septembre 2010.
Pour lire cet article en pdf, cliquer ici : « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire » (Jr 20,7)