lectio gene

Déjà 50 ans que je suis Soeurs des campagnes! Un jubilé !

2014.genevieveC’est en octobre 1964 que je prononçais mon premier engagement chez les Sœurs des Campagnes. Déjà 50 ans ! Un jubilé !
Cet événement me donne d’entendre des questionnements : pourquoi ? Comment ? Qu’est-ce qui t’a fait choisir cette vie ? Tu n’as pas pensé à te marier ? Une vie relationnelle avec un compagnon ne te manque pas ? Mes neveux n’ont pas hésité à me pousser dans mes retranchements lorsque j’ai fait mon séjour en famille cet été. J’ai été acculée à dire quelque chose de mon chemin et ce qui me fait vivre aujourd’hui, heureuse de ce choix de vie que je n’ai jamais regretté !

 Répondre à son amour
Je suis née dans la Manche, d’une famille chrétienne, mais où on ne parlait pas de Dieu ou très peu. On s’aimait, c’est sûr, mais avec une grande réserve dans l’expression de nos sentiments. Sitôt l’école primaire, le travail de la ferme nous prenait totalement. Je suis la troisième de cinq enfants. J’étais excessivement timide.

Une chance pour moi, il y a eu la JAC. Dans les engagements, au secteur, au département puis à la région, j’ai trouvé mon épanouissement.

Une retraite à 15 ans, dans le cadre du mouvement, fut déterminante sur mon chemin. Un passage de l’Evangile me bouleverse : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… Si vraiment Dieu nous aime à ce point, je ne peux répondre à cet amour qu’en lui donnant toute ma vie !
Mais la vie reprend et la question est comme enfouie.
Je rencontre beaucoup de filles et de garçons, et des relations fortes se nouent avec certains, jusqu’à envisager très concrètement le mariage. Mais sans que je sache l’exprimer, quelque chose en moi restait inassouvi (insatisfait), jusqu’au jour où j’ai pu dire « non ». Et c’est à partir de là que la réalité d’une vocation religieuse s’est peu à peu imposée à moi, comme je l’avais ressentie à 15 ans. Comme quoi, ce qui parait enfoui continue son travail, comme la graine dans le sol en hiver ! A 22 ans, c’était clair : je serai religieuse.
Prenant de nouveaux engagements dans la JAC, c’est seulement à 24 ans que je suis entrée chez les Sœurs des Campagnes.

Faire connaître sa Parole
J’aime cette vie de fraternité (même si elle est parfois rude !) entre Sœurs et avec les gens autour de nous. Une vie simple de relations par le voisinage, le travail salarié et les responsabilités en Eglise. J’ai fait la catéchèse familiale presque toute ma vie de Sœur !
La première fois où j’ai annoncé la Parole de Jésus aux enfants, je sortais du noviciat, j’ai éprouvé une très grande joie ! Le Seigneur me faisait cette grâce de faire connaître Sa Parole ! Quelle confiance !
Trouver la pédagogie pour présenter le message, travailler avec les parents qui acceptaient de s’impliquer, que de bons souvenirs ! J’ai beaucoup reçu du sérieux de leur démarche et du cheminement de certains. Notre vie de prière est marquée de tous ces contacts. Quand nous sommes à la chapelle, tous les gens rencontrés y sont présents d’une certaine manière.

J’ai vécu dans plusieurs prieurés en France : le Loiret, l’Yonne (en deux fois), la Creuse, le Cher, la Seine-et-Marne.

Une autre aventure !
Devant les besoins de la congrégation qui se développait en Afrique, je me suis proposée pour essayer de rejoindre cette culture. Je pensais y rester deux ou trois ans ! J’y suis restée dix ans !
Et c’est une autre aventure qu’il m’a été donné de vivre avec la découverte d’un cancer au pancréas. Je revenais pour un séjour de deux mois, avec le billet « retour », mais celui-ci n’a pu être utilisé !
J’ai fait l’expérience de tous ceux qui passent par là : « Une bombe qui vous tombe sur la tête ». J’ai dû accueillir la réalité, mais avec beaucoup de mal ! Le lâcher prise n’a pas été facile ! Mais j’ose dire après coup, il y a 6 ans de passés, que ce fut une grâce. J’ai expérimenté la présence du Seigneur. Une force m’a été donnée et je n’ai pas de mal à la nommer. Dieu est là  au plus creux. Jésus lui-même a connu la souffrance, donc je ne suis pas seule.
L’année qui a suivi, j’ai vécu une très grande action de grâces ! Les questions essentielles de la vie prennent une autre couleur. Je crois que j’ai pu acquérir aussi un autre regard sur la mort. Je sors de la vie et j’entre en vie, disait Christiane Singer dans son livre Derniers fragments d’un long voyage. C’est ma conviction aujourd’hui, je voudrais qu’elle le soit aussi quand le moment sera venu !

Nouveau chantier
La maladie m’a ouvert un nouveau chantier de mission, très différent de ce que j’avais pu connaître avant. Je me suis sentie solidaire des personnes qui connaissent cette maladie et je suis témoin de cheminements assez extraordinaires. Dieu est bien présent même si la réalité est souvent très éprouvante pour les personnes et pour celles qui les accompagnent. Souvent j’ai envie de dire : C’est trop !

Je termine par cette prière exprimée lors de la fête des cinq jubilaires à Contres :

« Seigneur tu es ma vie, tu es ma joie, mon bonheur est en toi.
Sur toi je m’appuie et je sais, par l’expérience de ces cinquante années,
Que dans les épreuves, tu es là au plus creux.
Tu n’abandonnes pas ceux qui s’attachent à toi,
Et c’est ce que je veux dire à tous : Dieu nous aime, il veut notre bonheur »


Sœur Geneviève CLEMENT
Prieuré Notre-Dame-du-Rosaire
Lumigny (Seine-et-Marne)

Chronique numéro 269, décembre 2014.