La vie religieuse est un don de Dieu, nous a dit le pape Benoit XVI. Et son successeur François a repris le même terme.

Le Seigneur ne fait rien au hasard

La vie religieuse est un don de Dieu, nous a dit le pape Benoit XVI. Et son successeur François a repris le même terme.
Don de Dieu pour l’Eglise parce que la vie religieuse est par elle-même prophétique, c’est-à-dire que l’appelé est invité à tout quitter : famille, milieu de vie, profession… pour se laisser embarquer dans la grande aventure du don de soi au service de Dieu et au service de ses frères.
 Pour moi ce désir est né il y a 70 ans. Le jour de ma confirmation, le curé de la paroisse partait pour son éternité, et l’évêque, dans son homélie, a fait appel pour provoquer les bonnes volontés à s’engager. Ce jour, sa parole a fait tilt dans ma tête, mais mon désir était de vivre dans la famille au service de l’exploitation de mes parents qui, me semble-t-il, avaient besoin de bras. Un autre attrait m’a retenu : j’étais passionné par l’arrivée des nouvelles techniques qui se développaient : arrivée d’un tracteur à la maison, l’un des premiers dans le département, mécanisation de la traite des vaches.
 Heureux de prendre ma part dans l’évolution du milieu agricole, il m’arrivait, durant les longues heures passées seul sur le tracteur, de réfléchir et de prier. La question rencontrée lors de ma sortie du primaire me revenait régulièrement à l’esprit : pourquoi ne pas envisager un service autre consacré au Seigneur et à son Eglise ? Dieu nous donne la vie, la santé, le bonheur. Son évangile est très important pour donner du sens à tout le reste, et il est mal connu. Pourquoi ne m’engagerais-je pas dans cette voie ? Question lancinante qui m’entraine dans le désir de tout quitter pour le service du Seigneur et de tous ceux qui cherchent un sens à leur vie.
Je cherchais.
Enfin  je fais le pas pour partir dans un séminaire de « vocations tardives » comme on disait à l’époque. J’avais 20 ans et y vécus trois années. Ensuite je passais deux ans au grand séminaire de Nantes, sans trop savoir où le Seigneur me demanderait de servir. Je cherchais une vie de prière, une vie de communauté, et une vie proche du monde rural.
Arrivé en fin de sursis militaire, je pars en Allemagne dans un centre d’instruction qui nous préparait en quatre mois pour l’Algérie. Mais après les classes je fus retenu pour l’instruction des nouvelles recrues. Atteint d’une pleurésie qui me fait trainer dans les hôpitaux militaires, je suis réformé. C’est au cours de ma convalescence que j’ai découvert les FMC par hasard dans la montagne des Voirons en Haute-Savoie. C’est sûrement sous la conduite du Seigneur qui ne fait rien au hasard !
Quelle joie lorsque j’ai enfin compris où le Seigneur me demandait de servir ! Un séjour au noviciat des Frères m’a fait ressentir le coup de foudre, j’y trouvai la vie religieuse, la vie en rural et la proximité du monde du travail.
Je suis entré au noviciat dans l’Aisne en 1960, puis j’ai poursuivi ma formation chez les Frères en Seine-et-Marne et Haute-Garonne, pour être ordonné prêtre dans l’Eure en 1966. J’exerce ma première responsabilité à Canappeville dans le secteur paroissial et l’animation près des jeunes. Ensuite je pars dans l’Yonne, à Charny, pendant quatorze ans où j’ai beaucoup travaillé avec le MRJC.  
Envoyé en Afrique
En 1991  je suis envoyé au Burkina-Faso. Là il s’agissait de suivre un grand secteur pastoral de 100 kms sur 100 avec une seule route goudronnée passant du nord au sud. J’ai appris à faire de la moto sur les pistes pour rejoindre les nombreux villages. Avec l’équipe des Frères, nous avons fait des animations humanitaires; il y avait tant de besoins : rechercher des sources et trouver les moyens d’aider à établir des puits pour permettre aux habitants de boire de l’eau propre. Nous avons essayé de sensibiliser la population à l’éducation en œuvrant auprès des adultes par des campagnes d’alphabétisation en langue locale, et travaillé à la santé des jeunes de 0 à 25 ans, par une prise en charge des handicapés.  
Le plus spectaculaire fut de voir naître des communautés, les voir naître et grandir dans la foi en Jésus-Christ. Les lieux de rassemblement des chrétiens, sont passés de quatre à dix puis quinze. Les premières années il y avait quinze, vingt, trente adultes sur l’ensemble de la paroisse à demander le baptême. Trente ans plus tard, ils sont des centaines à désirer rejoindre le chemin de Jésus-Christ. Il faut bien voir là l’œuvre de l’Esprit rayonner dans les cœurs
Après 14 années vécues à Pama, je suis heureux de pouvoir céder la responsabilité à de jeunes frères africains, formés et prêts pour la relève. Je vais rejoindre la communauté de Massédéna au Togo où les Frères étaient présents depuis plus de 25 ans. Cette communauté avait été sollicitée par l’évêque de Kara pour être une présence dans un milieu où il n’y avait jamais eu de chrétiens. Ce n’est qu’au bout de huit années de présence des frères, de partage de travail, de solidarité et d’amitié que certains ont demandé à cheminer pour se faire baptiser. L’engagement des Frères cherchait à faite grandir humainement une population en participant à la vie locale : aider les paysans à travailler avec des bœufs, ouvrir des pistes, creuser des puits, apporter secours dans les cas de santé.
Après 21 ans d’Afrique, je fus rapatrié en France suite à un accident de santé, et aujourd’hui revenu à mon point de départ dans l’Eure à Canappeville. J’y retrouve des familles connues il y a quarante ans, des jeunes que j’avais baptisés, fait faire la communion ou mariés. Ils sont devenus parents et grands parents ; c’est la vie.
Merci Seigneur d’avoir guidé mon parcours, de l’avoir jalonné de découvertes, de bonheur et de joie.
                                Frère Louis BIOTTEAU
Prieuré Notre Dame des bois
                                Canappeville (Eure)