80 ans du charisme Tours 11-12 novembre 2023
Intervention du père Jean Marie Onfray
* Je suis prêtre en Touraine depuis 46 ans. Théologien de formation, ma mission est d’écouter, de discerner et de proposer une réflexion. Depuis 2005, je suis plus particulièrement en mission dans les questions de santé (y compris pendant six ans au niveau national). J’ai tenu à être avec vous ce matin pour recueillir vos réflexions sur votre charisme dont vous fêtez les 80 ans. Le thème de l’évangélisation, de la mission est aujourd’hui central dans l’ Eglise, avec des interprétations diverses qui appellent un discernement.
* De votre synthèse ce matin, j’ai retenu cinq points qui nous interrogent :
l’importance du temps, de la durée, or nous vivons aujourd’hui dans une tyrannie de l’immédiateté, qui donne à beaucoup l’impression de ne plus avoir le temps de rien !
L’importance des rencontres, or nous vivons à l’heure de la communication tous azimuts, en particulier avec les réseaux sociaux.
L’importance du rythme rural, de la nature, or nous sommes de plus en plus dans l’artificiel et le virtuel, nous ne respectons plus les rythmes naturels.
L’importance des mouvements d’action catholique, or nous vivons aujourd’hui une forte valorisation de l’individu et des parcours individuels (le souci de soi ) .
L’importance de votre charisme ; qui dit charisme dit accueil de la grâce, or nous vivons aujourd’hui en insistant sur nos propres forces soit pour les mettre en valeur, soit pour déplorer leur perte.
* Quel est notre regard sur le monde contemporain ? Trop souvent nous avons un regard négatif sur ce monde et son évolution, nous vivons dans la peur. Il nous faut retrouver un émerveillement, une capacité de positiver, de voir ce qui « pousse ». La liberté religieuse (acquise au Concile en 1965) est une chance, même si cela conduit certains à prendre des distances avec la pratique. Notre société de consommation ne favorise pas l’intériorité et la dimension spirituelle. Et cependant nous devons témoigner de notre espérance, de notre confiance.
* Nous sommes témoins d’un Dieu qui aime ce monde . Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, nous devons en témoigner. Nous sommes des héritiers et bien des œuvres du patrimoine en témoignent (églises, œuvres d’art, saints, fêtes... etc.) Ces signes nous précèdent et continuent de « parler » et d’interroger. Mais quelle image donnent nos rassemblements ? Trop de tristesse, pas assez d’enthousiasme dans nos célébrations qui en dissuadent beaucoup. Notre Eglise doit se décentrer et moins se préoccuper d’elle-même. Bien des réponses au synode dénonçaient « l’entre soi » chrétien. Nous manquons d’accueil et d’ouverture.
* Vivre la rencontre. Le pape Paul VI avait dit « l’Eglise se fait conversation » dans Ecclesiam Suam. Nous devons privilégier la présence gratuite (et évangélique) auprès des plus fragiles. Cette présence valorise l’écoute (écouter c’est bien plus qu’entendre !) et permet aux personnes rencontrées de s’exprimer en particulier sur leurs souffrances. L’écoute en vérité permet le dialogue dans le respect de l’autre. Dieu (Esprit Saint) nous précède toujours dans la vie de l’autre et cette rencontre nous fait grandir et nous évangélise. Toute rencontre peut devenir « visitation » et faire entrer chacun dans un vrai processus d’initiation.
* Quel visage d’Eglise ? Nous savons bien que le signe de l’Eglise est fragilisé et que nos contemporains peuvent avoir du mal à y reconnaître le sacrement du salut. Nos paroisses devraient mieux signifier l’accueil inconditionnel. Nous avons aussi des tiers-lieux (prieurés ou autres) qui sont des petites lumières. Aujourd’hui comme hier, c’est le « voyez comme ils s’aiment » qui est appelant... Nous devons aussi sortir du cléricalisme qui laisserait entendre que tout tourne autour des prêtres et des curés. Là où nous sommes mettons en œuvre le sacerdoce des baptisés qui valorise la grâce baptismale, qui donne à chacun la même dignité. Nous devons aussi garder le souci de la communion : porter la communion, c’est d’abord porter un lien de communion à des personnes isolées en situation de mort sociale ou de mort ecclésiale. Ce souci de communion ne peut se vivre que dans l’humilité et la chasteté. N’oublions jamais la place des plus petits (c’est parfois aussi les plus anciens !)