En 2011 dans une radioscopie de sa vie pour notre revue ‘Chronique’ Frère Eugène s’exprimait ainsi : mon grand désir c’est d’être heureux.
Eugène vivait dans sa Bretagne natale, au milieu d’une famille unie, actif dans sa communauté chrétienne et principalement au sein de la JAC. Et puis voilà qu’à l’âge de 25 ans, il fait ce grand pas, quitte tout : famille, travail d’aide familial à la ferme. C’est une décision qui le tenaillait depuis son enfance et qui durera jusqu’à l’âge de 19 ans. C’est à ce moment qu’il ressent un appel plus précis. Il lui faudra encore 6 ans et l’accompagnement d’un prêtre pour enfin pouvoir dire ‘oui’ au Seigneur !
A 25 ans donc il entre à l’école apostolique de St Ilan dans les Côtes d’Armor. Ce sera 4 ans riches en études certes mais aussi et surtout la rencontre de nombreux religieux qui lui donneront le goût de la mission.
C’est à l’âge de 30 ans qu’il entre chez les Frères Missionnaires des Campagnes. Il écrit : je m’y sens heureux, membre du peuple de Dieu dont je découvre le projet dans la bible.
Il prononce ses premiers vœux dans la vie religieuse le 29 septembre 1965. Puis se sont les études à La Houssaye (Seine-et-Marne) et Pibrac (Haute-Garonne).
Le 26 juillet 1971 il sera ordonné prêtre. C’est un grand désir pour moi : celui d’exercer le ministère comme un service ! dira-t-il ;
Frère Eugène vivra ensuite deux ans au prieuré de Boulogne-sur-Gesse. C’est là qu’il fait une formation FPA en électricité.
Et puis en 1975 il part pour le Portugal. Tenace et assidu, il ne s’effraie pas de l’apprentissage de la langue. Ses talents d’électricien méthodiste et perfectionniste le feront connaître dans toute la région en installant l’électricité encore absente en ce temps-là. Il saura conjuguer à la fois son travail d’électricien et l’animation paroissiale. Là aussi il sera heureux !
Viendra enfin un autre appel : le Brésil en 1995.
Aussitôt arrivé, les communautés chrétiennes surent apprécier cet homme de foi, organisé et convaincant. Pour Eugène, la demi-mesure n’existait pas. Parfois sa rigueur bretonne souffrait face à la lenteur des brésiliens. Mais sens du devoir, du travail bien fait, des célébrations préparées dans le moindre détail feront de lui un homme, un religieux aimé et précieux.
Les C.E.B (Communautés Ecclésiales de Base) seront pour lui le fer de lance de la mission, et il y reconnaîtra son engagement au sein de la J.A.C. du temps de sa jeunesse.
Ses compétences et qualités étaient reconnues aussi chez nous les Frères. Il ne rechignait sur aucun service : ménage, cuisine, jardin, et surtout la comptabilité faite à la perfection.
Il vivra dans deux communautés au Brésil : Coquelandia et Palestina. Depuis l’annonce de son décès, de partout arrivent des mots de sympathie et de reconnaissance. Tous nous disent la communion avec nous en ce moment.
Je ne peux pourtant pas terminer ce témoignage sans relever une faiblesse d’Eugène : il ne savait pas s’économiser, il allait toujours jusqu’au bout, et chaque fois en y laissant un peu plus de sa santé.
Il rentre en France en 2014 et rejoint la communauté des Frères de la maison de retraite de Rabastens (Tarn)
Voilà en raccourci la vie de cet homme, de ce Frère, de ce pasteur heureux, qui avait fait siennes les paroles de l’évangile entendues dans la célébration : j’ai encore d’autres brebis ; celles-là aussi il faut que je les mène. Jn 10, 16
Oui, c’est cela qui faisait Eugène aller toujours plus loin.
Frère Dominique SORNIN