Homélie de Frère Jean-Louis Lejay lors de la célébration de sépulture
du Frère Bernard Rousseau 21 septembre 2018
Ep 4, 1-7,11-13 ; Lc 9, 18-22
Dans l'enthousiasme et l'angoisse, avec zèle et volonté, avec exigences (pour lui et pour les autres), mais surtout avec confiance en Christ, Frère Bernard a vécu l'appel du disciple et la tâche du ministère, évoquée dans la lettre aux Ephésiens, en cette fête de l'apôtre Saint Mathieu.
Quelques aspects de la vie familiale, à laquelle il était très attachée et de la vie fraternelle chez les Frères, ont été évoqués. Ayant vécu quelques années en Prieuré avec lui et collaboré à un travail sur la spiritualité de la congrégation et les grandes intuitions du Père Epagneul, je souligne seulement ici le lien entre foi, angoisse et mission qui habitait notre Frère au coeur de feu.
Dans les incertitudes du conflit mondial de 1943, le renouveau missionnaire et le peu d'initiatives dans le monde rural, Bernard Rousseau fait la rencontre du Père Epagneul. Il est touché, je le cite, par la chaleur de l'accueil, l'appel à devenir 'témoin de Jésus' dans la fidélité à la consécration baptismale, en vie fraternelle, dans la simplicité, en grande proximité de vie avec les villages, pour amener à la lumière du Christ, Il est l'un des premiers à répondre à l'appel et à se lancer dans l'aventure.
Quand nous pensons à Frère Bernard s'imposent à nous les débuts de la Congrégation. Il est assurément l'un des co-fondateurs. Dans le livre 'Semailles en Terre de France', le Père Epagneul évoque sa collaboration avec lui, le voyage à Rome, à la veille de son ordination, (expérience d'Eglise, rencontre avec Pie XII qu'il m'a encore racontée récemment), les responsabilités confiées, si jeune : premier maître des novices,1er conseiller du Frère Léon Taverdet, 30 ans en responsabilités diverses dans la Congrégation, Cela n'a pas pas été sans le marquer et nous marquer profondément.
Une longue vie, une suite du Christ selon un itinéraire rempli de richesses mais aussi avec bien des tourments à traverser, notamment les remises en cause des années 70 et la rapide évolution du monde, de l'Eglise, et de la Congrégation. Dans un cahier il y fait allusion : il nous a fallu vivre des moments difficiles, mais l'alimentation quotidienne aux sources bibliques, notamment à l’Évangile (Seigneur à qui irions-nous?) nous a permis de tenir et de poursuivre la route. Dans une même souffrance partagée, c'était la même action de grâce pour l'unité maintenue dans la paix. Rude et nécessaire expérience que la fraternité n'est pas toute faite, mais qu'elle est grâce à recevoir et tâche à accomplir pour une authentique orientation évangélique.
Viens et suis-moi...
Le religieux-prêtre-missionnaire gardera au cœur ce qu'il a appris du Père en étant proche de lui : la générosité ne suffit pas pour accomplir l' œuvre de Dieu ; il y faut l'accueil de l'Esprit Saint ; la mission est une participation au regard de compassion et à l'angoisse de Jésus saisi de pitié envers les foules sans pasteur : comment nous y prendre pour assumer cette tâche d'évangélisation dont l'urgence nous brûle le cœur ? disait notre Frère, Et il nous renvoyait à la contemplation de la vie des apôtres plus qu'aux plans pastoraux, dans ses enseignements et retraites aux Frères et aux Soeurs.
Toujours ardent, il nous lançait, ainsi qu'aux paroissiens, de vives interpellations pour bousculer les étroitesses de jugement du monde, ce monde malade, empoisonné, disait-il... nous ne sommes pas assez chrétien s... répondons-nous à notre vocation ? Derrière les invectives, parfois rudes, s'exprimait en fait sa recherche spirituelle et le désir de faire connaître la relation au Dieu-Vivant, personnel... pas un Dieu philosophique ou de convenance sociale, mais celui qui s'est fait connaître dans l'Alliance,
Qui suis-je au dire des foules ? Peu d'intérêt...mais pour vous, pour toi qui suis-je ? Avons-nous entendu ?
S'interroger dans la foi sur le sens des événements du monde, de l'Eglise et de la Congrégation, le Frère Bernard le fera jusqu'à ses dernières semaines. Au début du mois il me disait encore : Frère Jean-Louis, tu as vu ce qui se passe... on n'a jamais vu cela dans l'histoire de l'Eglise...Que sortira-t-il de tout cela ? Enfin, faisons confiance !
Lors de visites nous pouvions profiter de son érudition et admirer l'organisation de son temps avec la place de la lecture, sans omettre sa participation aux humbles activités de la maison de retraite,
Ainsi s'accomplissent les tâches du ministère et se construit le corps du Christ, nous disait l’épître aux Éphésiens.
Tous nous sommes appelés à cheminer, avec nos fragilités et nos talents, vers la pleine connaissance du Fils de Dieu et à parvenir à l'état de l'Homme parfait.
Rassemblés dans une même fraternité familiale, amicale, religieuse, il est juste de présenter à Dieu notre action de grâces, par le Christ, pour tout ce que notre Frère a symbolisé parmi nous.
Frère Jean-Louis LEJAY