Pour rendre gloire à Dieu dans sa vie même j’ai choisi de lui donner la parole au maximum pour comprendre un peu comment son histoire était sacrée et « bonne nouvelle » pour nous.
Pierre était un homme passionné tout entier dans tout ce qu’il faisait. Il écrivait beaucoup pour dire sa vie, il analysait les évènements qu’il vivait, les confrontait à son tempérament passionné et à sa foi immense qui était très concrète et vraie. « Je parlais peu dans un groupe car je n’avait pas le temps de préciser ma pensée avant que la discussion soit partie ailleurs ! et il ajoutait : « pour Recherches, je prends mon temps et je dois recommencer plusieurs fois ; j’ai ainsi découvert que pour moi, l’essentiel c’est d’écrire ce que je crois et ce qui me fait vivre ! » Sa foi c’était sa vie ! C’était une foi très précise et familière parlant de Dieu le Père comme de son « papa chéri » à la manière de la petite Thérèse. Son compagnon de route d’homme était « Jésus » qu’il préférait au terme Christ. Son interlocuteur était l’Esprit-Saint « reçu, disait-il à son baptême et sa confirmation mais redécouvert dans le renouveau ». Enfin, il comptait beaucoup sur sa « maman chérie » Marie, médiatrice de toutes grâces qu’il vénérait ; Notre Dame de Lourdes, de Fresneau, du Laus ! de la Blache ! St Joseph n’était pas oublié pour résoudre quelques problèmes plus pratiques : « St Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail » (recherches 131 mai 2010)
Sa vie de commerçant charbonnier.
Il a travaillé dans l’entreprise familiale de 17 à 37 ans, ce n’est pas rien ! Il avait 20 ans quand son Père est décédé, il a ensuite dirigé l’entreprise… Il aimait parler des sacs de charbons qui lui ont cassé le dos… C’était un homme pratique et ordonné aimant le travail bien fait. Sa famille pourrait mieux dire ce qu’il était à ce moment là. Ce que je sais, c’est qu’il aimait les siens : sa maman, sa sœur décédée pour qui il priait beaucoup, sa petite sœur présente ici et tous les siens.
Appelé à la vie religieuse, Il reçu un appel précis au moment d’un pèlerinage ACGF, lui qui était de l’ACGH, à Paray-le-Monial en 1957. Il avait donc 26 ans. Dans la chapelle des apparitions, il pose sa question : « Seigneur que veux-tu pour moi ? » et il poursuit : « quelques jours plus tard, en déchargeant un wagon de charbon à la gare de Romans, il m’est venu subitement ces paroles : si toi aussi tu te donnais à moi ? Je répondis : Oui Seigneur mais je n’en suis pas digne ; pour ces paroles, je rends gloire à Dieu ». Cet appel s’est trouvé confirmé dans deux visites à Marthe Robin : « grâce aux paroles de Marthe, je n’ai jamais douté de ma vocation ». (recherches n°123)
Il devient, 11 ans après l’appel, religieux FMC : Entré au début de l’année 1968 à la Croix-sur-Ourcq pour faire son postulat, il m’y accueillit en septembre pour faire ensemble avec 4 autres compagnons le noviciat. J’ai découvert vraiment un grand frère qui souhaitait « obéir à Dieu » dans la vie religieuse FMC. Fort dans sa foi, il ne comprenait pas nos « laisser aller » avec l’obéissance.. Jeunes, nous étions prêts à des compromis pour vivre la « règle ». Pas lui. Je me souviens comment nous avions entrepris un chantier peinture dans le noviciat : il me montrait comment faire l’enduit, le ponçage et la peinture de façon professionnelle comme il l’avait pratiquée avec les chantiers de jeunes chez lui ! Il avait été secrétaire à la section du Service civil international de Romans et membre du conseil d’administration de la maison des jeunes et de la culture de Romans-Bourg de Péage. On partageait sur tout cela ! Là on oubliait le silence ! Mais j’apprenais de lui son sens des autres, sa cohérence dans sa vie et sa foi, ses impatiences et quelquefois ses colères devant le pharisaïsme de certains et je découvrais aussi son intransigeance pour lui-même.
A Boulogne-sur-Gesse, il devient ouvrier militant
« Ayant été commerçant pendant 15 ans avant 1968 je souhaitais être plus en contact avec le monde ouvrier… J’ai trouvé du travail dans une tuilerie de 250 ouvriers : cela m’aide à connaitre un autre aspect des conditions de vie des ouvriers et j’ai même été amené, par solidarité, à réclamer ce qui m’était du ». (Chronique de juin 1973)
Homme de justice, il aida à la création d’une section syndicale pour réclamer des droits élémentaires… Il s’y engagea tout entier comme toujours. Ce fut une période difficile pour lui car la directrice était une femme catholique fervente… Il se trouvait en contradiction entre sa solidarité avec les compagnons ouvriers et sa foi partagée avec cette femme appréciée de la communauté chrétienne et de ses frères en communauté. Il n’eût de cesse, après la lutte, de trouver comment lui demander pardon ; ce qu’il fit un jour ! Ce fut pour lui un « grand signe » !
Militant de la « non violence », il avait renvoyé son livret militaire pour dire son opposition à la guerre et à la violence. Il trouva un lieu d’expression à sa lutte pour la non-violence au moment des manifestations du Larzac. Là aussi il y était engagé tout entier, militant pour la paix entre les hommes, refusant les armes et la guerre.
Le Renouveau charismatique découvert en 1982, lui a permis de faire l’unité en lui et de personnaliser encore plus sa foi : « chacun peut vivre une rencontre avec Jésus, avoir le cœur transformé et apprendre à agir avec la puissance de son Esprit » (recherches mars 2010) « La rencontre des chrétiens des autres Eglises m’a beaucoup aidé à grandir dans ma foi » dit-il dans « recherches » n° 125. L’espoir de l’unité des chrétiens catholiques, luthériens, anglicans, réformés, orthodoxes, pentecôtistes (Recherches n° 122 juin 2007) était fondamental pour lui. « Nous avons tous une part dans la division de nos églises chrétiennes et de citer Jean-Paul II : « ouvrez-vous avec docilité aux dons de l’Esprit, accueillez avec gratitude et obéissance les charismes que l’Esprit ne cesse de répandre et n’oubliez pas que chaque charisme est donné pour le bien commun c'est-à-dire toute l’Eglise » (Recherches juillet 2008) Fondamental aussi était sa prière évangélique spontanée, la joie partagée avec des frères et sœurs. Il voyait dans ce mouvement une vraie promesse pour l’Eglise. Voici ce qu’il disait à la suite du premier rassemblement auquel il participait à Strasbourg en mai 1982 : « J’ai trouvé là-bas cette foi et cette fraicheur de la prière : je ne l’oublierai pas ! Oui, prier l’Esprit-Saint, invoquer sa force, demander à Dieu de nous l’envoyer et sentir passer ce « murmure » dans une assemblée : on ne peut l’oublier » (Chronique de décembre 1982)
Il est devenu de plus en plus un priant : La prière était bien sa respiration au sens où elle lui permettait de juguler sa violence et de la transformer en pardon. « Les psaumes nous renvoient à cette image de nous-mêmes qu’il faut savoir reconnaitre pour l’exposer à un Dieu de tendresse et de miséricorde ; Lui-même guérira nos blessures et convertira ces zones de violence et de conflits qui sommeillent en nous » (Chronique de décembre 2004). Il prenait le temps de la prière personnelle, de « l’adoration devant Jésus Eucharistie » ; Comme Jésus, avant chaque engagement, chaque démarche ou chaque rencontre importante il priait le temps qu’il fallait afin de laisser l’Esprit prendre la première place. « Devant les difficultés rencontrées dans la visite des malades de « vie libre », (un autre engagement important pour lui) j’ai compris que la prière devait être la base sur laquelle appuyer mon service auprès des malades. »
Mais c’est avec Marie, et le chapelet, que sa prière est devenue une force intérieure capable de l’aider à accueillir Dieu dans les imprévus de sa vie comme ce fut le cas en 1979 quand il fut élu « conseiller » au Chapitre Général pour devenir ensuite économe Général. « Je me suis rendu à la chapelle, devant la statue de Notre Dame, avec confiance, je lui ai demandé de me guider et d’accueillir, pour moi et pour les frères, les grâces venant du cœur de Jésus pour la Congrégation. Je reconnais aujourd’hui qu’elle a fait plus que j’attendais et c’est bien elle qui m’a tenu par la main à chaque fois pour m’aider à me relever après une chute ! Pour cette présence de Marie, je rends gloire à Dieu ! »
Son rapport à Marie, il l’a copié sur le Père Epagneul qui a fait de Marie la patronne de la Congrégation le 3 octobre 1943 : « Tout de Dieu par Marie, tout à Dieu par Marie et tout pour Dieu par Marie ! »
En conclusion, je le cite encore : « Je peux dire la difficulté de partager que j’ai ressentie avec mes frères de ma communauté pour tous mes engagements syndicaux, comme pour la non-violence et enfin pour le renouveau. Heureusement pour moi, il y avait les groupes de prière ! (et l’atelier des frères au renouveau) La tension vient du fait évident que nous avons des pratiques différentes de la Parole de Dieu, de la présence au monde et dans l’Eglise. Il faut savoir s’exprimer sans agressivité… savoir écouter l’autre différent de moi… savoir dire oui et non avec toutes les formes ! » (Recherches n°133 décembre 2010)
Pierre, tu as tout vécu avec passion avec des hauts et des bas, bien sûr, mais toujours tu as recherché avec Marie, la médiatrice, l’union à Dieu avec les paroles de Jésus.
Tu peux dire maintenant : « Alléluia ! Tout est cadeau du Seigneur, il me comble de joie ! »
Frère Edmond Chevallereau