1991 11 Robert Naret 

Frère Robert est mort subitement le 19 novembre 1991.

Ses obsèques, présidées par Frère Léon Taverdet, évêque de Langres, ont été célébrées le 25 novembre dans l'église de La Houssaye, suivies de son inhumation dans le cimetière du village, où reposent maintenant avec lui, guettant la bienheureuse espérance de la résurrection, dix des seize Frères qui nous ont précédés.

Rappeler quelques traits de sa vie, quelques unes des convictions qui l'animaient c'est plus qu'évoquer des souvenirs, c'est commémorer, faire mémoire ensemble d'un Frère toujours vivant, en Dieu et en nous.


Frère Robert est mort comme il a vécu. Rapidement, craignant sans cesse de perdre un instant, toujours tendu vers quelque tâche à assumer, quelque avenir à scruter, à ouvrir. Ce mardi 19 novembre, ce fut pour la rencontre définitive de Celui à cause de qui il était souvent impatient, insatisfait, parfois inquiet et angoissé, toujours exigeant et passionné.

Il aimait le Conseil National de Pastorale Rurale dont il était membre depuis dix ans, un lieu qui symbolisait bien son attachement profond au monde rural, à son avenir, à son Eglise. C'est au cours d'une session de ce Conseil, à Paris, que Frère Robert s'est effondré, terrassé. Après une matinée de travail où il fut pleinement participant, à l'heure d'aller à table, il est mort brutalement, sans réussite de réanimation, malgré l'intervention des pompiers et du SAMU. Il y avait là des représentants des Mouvements d'Action Catholique Rurale, enfants, jeunes, adultes, des représentants des services d'Église, des prêtres, des religieux et religieuses en monde rural.

Il y avait avec lui trois autres Frères Missionnaires des Campagnes, Frère Léon Taverdet, Frère Jean-Louis Lejay et Frère Michel Yverneau.


Frère Robert est né en 1922 dans une famille d'agriculteurs de Seine-et-Marne, à Nangis, en pleine terre de Brie. A l’âge de 18 ans, sa scolarité est interrompue par l'occupation allemande et il travaille à la ferme paternelle.

 

Naissance d'une vocation

En 1941, un copain l'invite à une réunion de JAC (Jeunesses Agricole Chrétienne), « un aiguillage qui va changer toute ma vie », écrira-t-il plus tard. Il est entraîné assez vite à y prendre des responsabilités puisqu'en 1943 il est secrétaire fédéral. Un matin d'avril de cette année-là, un dominicain aumônier par intérim, le Père Épagneul, vient animer une récollection aux jacistes de Nangis. « Le Père m'expose en détail le projet d'une Congrégation au service des campagnes en vue de leur rechristianisation ; elle allierait une intense vie de prière et la mission. J'étais bien un peu étonné de cette présentation sous forme de monologue d'ailleurs. Je n 'avais rien dit de mon actuelle préoccupation spirituelle et le Père n'a sollicité aucune réaction ni manifesté un quelconque appel... et nous sommes partis en récollection. Cependant, j'y vis subitement une issue à une pénible recherche de vie religieuse (je songeais à la Trappe) en y alliant la récente découverte de l'apostolat avec la JAC. Une brève mais intense lumière m'éclairait. N'avais-je pas une impression d'apaisement chaleureux, quelque chose comme "ce cœur brûlant" des disciples d'Emmaus ? »

L'heure du choix

Après la déportation dans une poudrière allemande dans le cadre du Service du Travail Obligatoire, deux années de cauchemar, il reprend le travail des champs et les activités de la JAC avec, toujours, la recherche inquiète de sa vocation.

C'est au mois d'août 1946 qu'il gagne La Houssaye pour commencer son noviciat. Il lui avait fallu faire bien des ruptures, surmonter bien des doutes, vaincre bien des réticences. Avant de partir, écrit-il, « je décidais de "faire un tour de plaine ", revoir une dernière fois "les champs". Je fis le "grand tour" comme on disait, celui qui menait aux quatre coins de la ferme. Comme pour s'adresser un au-revoir entre amis qui vont se séparer à jamais : je quittais la terre... »
Il quittait la terre pour la retrouver, à travers les ruraux auxquels désormais il sera tout donné.
« Si vous saviez combien j'ai prié pour qu'il vienne nous rejoindre ». Révélant cette confidence que lui avait faite le Père Epagneul en parlant de Frère Robert, Frère Léon ajoutait : « J'ai cru comprendre que la venue dans la congrégation d'un fils de la terre, de la terre de Brie, d'un responsable JAC soulignerait à la fois l'orientation missionnaire de la nouvelle famille religieuse et le terreau qui l'a fait naître. »
Il accepta l'appel. Il livrera sa vie à Dieu pour les ruraux et aux ruraux pour Dieu. Il a donné un sens à sa vie et a permis à beaucoup de donner sens à la leur.

L'Action Catholique Rurale fut sa passion. Tout en menant de front ses tâches de congrégation, il sera constamment sur la brèche, au prix de rudes tiraillements d'horaires, de préoccupations dispersantes.^ Aux diocèses de Meaux, de Soissons, d'Évreux, son souci constant fut la création de nouvelles équipes en tous secteurs et en tous milieux.

Qui peut dire le nombre de visites, de rencontres, de réunions de sessions, de célébrations et donc aussi de kilomètres, de courrier et de comptes-rendus qu'il a pu faire pour être présent à la vie du monde, à la vie des ruraux et y découvrir la présence du Christ ?
Lui, le timide, le réservé, inquiet à la pensée de ce qu'il appelait ses insuffisances, il maîtrisait sa peur, ses craintes, en puisant force et lumière dans la Parole de Dieu et dans l'Eucharistie ■


Ces lignes utilisent en partie ce qui a été dit par Frère Michel Yverneau et par Frère Léon Taverdet pendant la célébration, ainsi que des notes de Frère Robert.

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UN « PÉRIPLE DÉROUTANT »

1991 11 FrereRobertdebout robert00251946 : Tandis que Frère Robert entre chez les Frères Missionnaires des Campagnes, la présidente nationale de la JACF, Ghislaine Aubé, une autre briarde, se prépare à entreprendre avec quelques compagnes la fondation des Sœurs des Campagnes.

1948 : Frère Robert est envoyé avec cinq autres frères fonder le prieuré de Pibrac (Hte-Garonne) dont il est nommé prieur.

1952 : Il est ordonné prêtre. Au cours de sa première messe, l'une de ses sœurs, Anne-Marie, qui est entrée chez les Sœurs des Campagnes, fait ses premiers vœux.

Il est nommé sous-prieur de Saint-Sulpice (Oise), membre du Conseil de Congrégation (1953), puis prieur de La Houssaye. Il suit la « JAC de grande culture », travaille au lancement des équipes de foyers et des équipes patronales du CMR dont il deviendra aumônier national.

1959 : Frère Robert est maître des novices, charge qu'il occupera jusqu'en 1970 à La Croix-sur-Ourcq (Aisne).

1970 : Il est au Prieuré de Rozay-en-Brie (S. & M.) dont il devient prieur en 1973. Délégué à la pastorale rurale du diocèse de Meaux, membre du Conseil episcopal, il assure en même temps l'aumônerie diocésaine du CMR.

1981 : Frère Robert est nommé au prieuré de Canappeville (Eure) où il restera Jusqu'à sa mort. Il accepte le secrétariat de la Commission Episcopale du Monde Rural, devient aumônier diocésain du CMR, membre du conseil presbytéral de l'évêque d'Évreux et participe à l'accompagnement de secteurs ruraux sans prêtre résident.

Extrait de CHRONIQUE des FMC et SC - N° 178 - Mars 1992