Le Frère Eugène Boireau est « parti devant »

 Le Frère Eugène Boireau s'était joint à nous en 1946 ; il avait vingt-cinq ans. Le 24 décembre 1972, quelques heures après le Frère Léon Chevalier, il serait notre cinquième Frère à « partir devant », ayant succombé à une crise cardiaque. Ainsi s'achèverait, à notre surprise, un cheminement fécond de F.M.C. qui aura duré vingt-six ans.

Cheminement qu'avait précédé une singulière préparation, facile à évoquer, grâce à ce qu'a bien voulu nous écrire le Père Fleury S.J., actuellement aumônier national des Gitans et dont on peut dire que, de près ou de loin, il fut, sur sa route, un des guides constants de notre Frère Eugène. En 1941, il l'accueillait à l'Ecole apostolique de Poitiers. Le 27 décembre 1972, amené par un Gitan ami, il était à Longué pour y participer aux obsèques du Frère, ami des Gitans s'il en fut, tombé quelques heures avant la célébration d'un Noël gitan, à Villebernier, tout près de Longué.

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1921-1972 Eugene BoireauEugène Boireau était né à Longué (Maine-et-Loire) le 4 avril 1921. En cet Angevin, tout Angevin aimerait toujours à se retrouver. En homme de Besançon, bon teint, le Frère Léon Taverdet, Prieur Général, n'a pas manqué de relever, dans son homélie de la messe d'enterrement à La Houssaye-en-Brie, des traits de tempérament qui sont typiquement ceux de la vallée de la Loire, en cet Anjou dont tout est fortement marqué, et jusqu'aux âmes, par une géographie, des cultures, des traditions, une pierre, qu'englobe un climat dont Joachim du Bellay a tout dit en deux mots : douceur angevine. Je suis Angevin... Après ses études primaires et quelque temps de travail chez un notaire et un assureur, Eugène, qui s'orientait vers le sacerdoce, entrait à l'Ecole apostolique des £çres Jésuites à Poitiers. Le Père Fleury y serait son premier professeur.

C'était en 1941. La guerre. Pour n'avoir pas répondu à une convocation jamais reçue en vue de partir en Allemagne pour le Service de Travail Obligatoire (S.T.O.), Eugène était emprisonné par les Allemands dans un camp des environs de Poitiers (route de Limoges), dont une partie était occupée par Gitans et Tziganes. Grâce à d'efficaces interventions, dont celle du P. Fleury, aumônier du camp, Eugène ne partirait pas en Allemagne, mais serait nommé à un emploi...

C'est ainsi qu'il devint gardien au camp et, avec deux camarades, rendit les plus grands services aux prisonniers, Gitans, Tziganes, bientôt Juifs, et à leur aumônier, aux maquisards aussi. Avec la Libération, le 4 septembre 1944, l'imprévisible activité d'Eugène Boireau comme gardien de prison à Poitiers prendrait fin.

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 II a toujours l'intention de s'orienter vers le sacerdoce ; il pense aussi à la vie religieuse. Ne devrait-il pas entrer chez les Fils de la Charité ? En définitive, il choisit les Frères Missionnaires des Campagnes, fondés depuis un an. Pour une ultime préparation de son entrée à notre noviciat, il fait deux ans de Séminaire d'Aînés à Saint-Jean (S.-et-M.). Le 28 septembre 1946, le Frère Eugène Boireau prend l'habit des F.M.C., à La Houssaye. Novice. Etudiant. Le jour de l'approbation de la nouvelle famille religieuse, 2 octobre 1949, il fait profession perpétuelle à la cathédrale de Meaux. Il poursuit sa formation préliminaire au ministère sacerdotal, au Prieuré de Saint-Sulpice, dans l'Oise. C'est là qu'il découvre que le ministère des F.M.C. qui ne sont pas prêtres correspond parfaitement à ses goûts et à ses aptitudes.

 Le 1er janvier 1957, il optera définitivement pour une voie qui n'est pas celle du sacerdoce. Il est déjà engagé, depuis cinq ans, dans la première des deux activités majeures de sa vie : - la mise sur pied et l'animation du Centre diocésain d'Information de l'Oise, qui deviendra vite le Centre d'Information et de Culture populaire de l'Oise ; - le service des Gitans, forains et Voyageurs divers.

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 Pour évoquer ce que fut et ce qu'a fait le Fr. Eugène, en ces deux étapes de son service de l'Evangile, en religieux F.M.C., membre du Prieuré Saint-Vincent-de-Paul, dans l'Oise, je ne saurais mieux faire que d'emprunter quelques lignes à la substantielle homélie que donna notre Prieur Général, Fr. Léon Taverdet, à la messe qui précéda l'inhumation du Frère dans le cimetière de La Houssaye en Seine-et-Marne, le 6 janvier :

 Résumer l'aventure « Presse et Information », aventure qui à certains moments prenait une allure d'épopée, est impossible : campagnes de presse ayant atteint un minimum de 40 à 50 000 personnes, expositions sur l'Information « Subir ou choisir », Congrès diocésains de militants, création d'une chaîne de ciné-clubs populaires groupant 5 000 personnes, lancement de ciné-clubs scolaires atteignant 12 000 élèves répartis en une centaine d'écoles, des dizaines de foires, de nombreux pèlerinages, un tiers des paroisses du diocèse visitées ! Qui dira ce que furent comme événement les célèbres fêtes de Saint-Sulpice et les non moins fameux rallyes ?

Bien qu'à partir de 1958, le Frère Eugène ait un collaborateur, le Frère Jean-Paul Cornet, il sent croître sa fatigue, au point qu'en 1964, il doit renoncer au ministère qu'il a poursuivi, en tout temps, en tout lieu, de nuit au moins autant que de jour.

1921-1972 Eugne Boireau avec gitansSa santé s'améliorant, c'est en 1965 que le Frère Eugène entreprendra une seconde étape : le service des Voyageurs. Il n'avait jamais cessé de s'intéresser à eux. Cette fois, il leur consacrera tout son temps, toutes ses forces... En lien avec l'aumônerie nationale, il va parcourir de nombreuses régions de France, alerter, inquiéter les « sédentaires » sur le sort des Voyageurs. Ici et là, des prêtres, des laies, des religieux ou religieuses accepteront de former des groupes d'accueil. Quelle ne sera pas sa joie de voir (...) une équipe de Frères engagés dans ce service ! C'est pour Noël, au terme d'une fatigante préparation, que le Seigneur est venu l'appeler au milieu de ses amis : les Voyageurs, l'équipe pastorale, non loin de Longué, son pays natal dans ce Saumurois qu'il aimait tant, quelques semaines après le départ de son père à qui il vouait une affection délicate.

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 Et moi qui ai accepté de donner à nos parents et à nos amis ces trois pages sur notre Fr. Eugène, je ne puis terminer sans redire à Mme Boireau notre vive sympathie, sans l'assurer que sa peine est notre peine. C'est ma peine d'avoir eu à laisser « partir devant » l'un de mes premiers compagnons.

Quand il était venu à nous en 1946, nous n'étions encore qu'une vingtaine, mais notre annuaire me rappelle que le noviciat accueillerait, cette année-là, 19 novices et 5 postulants. Notre peine n'est pas sans espérance. Espérance, en particulier, que la prière de notre Frère Eugène nous obtienne du Seigneur une abondante relève.

Beaucoup, partout, en nos campagnes comme ailleurs, attendent que de bons ouvriers évangéliques leur dispensent « la grâce et la vérité » que le monde doit au Christ (Jean 1, 14).

 Fr. Michel-Dominique EPAGNEUL.