Frère Léon CHEVALIER, né !e 21 juin 1939 à Saint-Brévin (Loire-Atlantique).

 

1939-1972 Leon ChevalierEtudes au Grand Séminaire de Nantes.

Entré le 1er septembre 1965 chez les Frères Missionnaires des Campagnes. Prieurés de La Croix-sur-Ourcq (Aisne), La Houssaye-en-Brie et enfin Rozay (Seine-et-Marne).

Depuis son arrivée au Prieuré de Rozay, le Frère Léon travaillait comme mécani­cien dans un garage à Gastins.

Le dimanche, il jouait au foot-ball dans l'équipe première de Fontenay-Trésigny (Seine-et-Marne).

 

Quelques heures après avoir participé à la célébration de pénitence et à l'Eucha­ristie en préparation à Noël avec la com­munauté chrétienne de Rozay, le Frère Léon succombait dans un accident de la route (où l'un de ses camarades de travail a, lui aussi, trouvé la mort), le 24 décem­bre 1972, âgé de 33 ans.

 

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Saisi brusquement au passage…

 

 

Extraits de l’homélie de Fr. Léon Taverdet, Prieur Général, aux obsèques de Fr. Léon Chevalier, à l’église de Rozay-en-Brie le 28 décembre 1972.

 

 

Pourrions-nous nous arrêter sur une image ? Celle de cet homme qui revenait des champs et dont ceux qui conduisaient Jésus au supplice s'em­parent pour lui faire porter la croix : Simon de Cyrène.

 

Saisi brusquement au passage, il participe, à sa façon, inattendue, à la Rédemption du monde. Image de tant d'hommes de bonne volonté qui por­tent les fardeaux des autres hommes, contribuant ainsi à quelques soulage­ments, à quelques progrès.

 

Mais ne sommes-nous pas ici, en ce moment, nous aussi, des Simon de Cyrène ? «Porter les fardeaux les uns des autres», dirait saint Paul, c'est accomplir la loi du Christ. Et nous sommes ensemble là, pour porter cette croix qui nous est proposée par le départ de notre Frère, départ si brutal...

 

Porter les fardeaux les uns des au­tres pour marcher avec le Christ, c'est, me semble-t-il, ce que notre Frère Léon a voulu réaliser depuis toujours.

 

 

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Il a puisé dans sa famille ce qui était nécessaire à cette démar­che.

 

Les exemples ne lui manquaient pas. Exemple des siens, de ses parents d'abord, de ses proches. Combien, dans sa famille, ont suivi le Christ en des voies privilégiées sur le chemin de la mission, mission lointaine, mis­sion au cœur des hommes d'aujour­d'hui ! Nous avons l'un de ses oncles présent parmi nous, prêtre du Prado au diocèse de Bourges ; nous pensons à son parrain, Petit Frère de Jésus au Cameroun, et à bien d'autres.

 

Pour lui, il n'y avait pas d'un côté les valeurs naturelles et de l'autre des valeurs chrétiennes. La vie, ça ne fait qu'un. Ça lui paraissait tout naturel d'être homme chrétien. Il avait puisé dans une foi simple, forte, le courage nécessaire pour donner sa vie. Il ne s'embarrassait pas d'inutiles questions, de contestations oiseuses, de raisonnements faussement intellec­tuels. Pour lui il suffisait de donner sa vie à la suite du Christ, d'aimer comme le Christ Jésus : Pourquoi tant se compliquer l'existence ?...

 Ce n'est pas en tant que prêtre mais en tant que chrétien consacré en vie religieuse qu'il assurera ce servi­ce des hommes qui l'attire, ce porte­ment des fardeaux des hommes pour suivre de plus près le Christ Jésus.

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Il frappera à la porte de notre Congrégation en septembre 1965. Il a 26 ans.

Alors il cherchera comment se don­ner davantage au service de ses frè­res ruraux ; comment partager davan­tage, spécialement avec ceux qu'il pourrait rencontrer, avec ceux qui se­raient parmi les plus pauvres, les plus démunis, avec ceux pour qui la pré­sence de Jésus serait peut-être la moins signifiée, la moins perçue. Lui qui a dans son cœur tant de choses voudrait tellement partager !

 

Pour lui il faudrait simplement aimer dans l'action quotidienne...

 Nous le verrons, lui, assez réservé, quelque peu timide même, s'épanouir lorsqu'il sera en confiance et, sans être très bavard sur le fond de lui-même, exprimer quelques aspects pro­fonds d'une nature riche.

 Il aimait profondément ce qui était simple et vrai.

 

Mais il cherchait encore quels moyens d'expression allaient lui per­mettre de révéler cela, de mieux partager, car il était de ceux gui ne peu­vent garder pour eux les trésors dont ils sont comblés.

 Il voulait exprimer le meilleur de lui-même, communier avec autrui, à travers deux moyens gui lui parais­saient privilégiées : cette relation d'amitié au fil des jours et un travail professionnel partagé avec d'autres, dans les mêmes conditions...

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Qu’il suffise de nous rappeler les quelques années passées avec lui, cette amitié partagée avec les jeunes — je pense en particulier aux mem­bres de la société sportive de Fontenay-Trésigny dont il parlait toujours avec amitié — je pense aussi à ceux avec lesquels il a travaillé, à cette entreprise qui était un peu comme une famille.

 

Il savait gu'il devait devenir compé­tent et il le voulait, afin d'être plus vrai dans sa tâche, plus solidaire des autres. C'est pourquoi il est allé ac­complir, durant plusieurs mois, deux stages complémentaires de formation professionnelle pour adultes. Il en était revenu beaucoup plus maître de lui-même, plus décidé à continuer le chemin dans cette vie religieuse qu'il avait choisie.

 

Il se préparait à marquer officielle­ment et définitivement cette démar­che par l'engagement définitif de tout lui-même, la profession perpétuelle.

 

«Etre témoin du Christ auprès de mes frères les ruraux... jusqu'à la mort», dit notre formule de profes­sion. «Jusqu'à la mort» : la mort à ce qui n'est pas Dieu en soi, mais aussi jusqu'à la mort corporelle, terme ulti­me de notre existence ici-bas ; jus­qu'à la mort, c'est-à-dire en fidélité.

 La formule n'a pas été prononcée, mais son contenu aura été vécu..

 

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Témoignage

 

Fontenay-Trésigny, le 24 décembre 1972, dix heures du matin, le téléphone sonne.

- Allo !

- C'est pas vrai !...

Alors, dans le pays, de bouche à oreille, cette nouvelle se répand : Léon est mort.

Dès lors, chacun de nous essaiera de se mettre dans la tête que cela est vrai. Chacun de nous devra se rendre à l'évi­dence. Léon est mort.

1939-1972 Leon Chevalier avec footballeursA Fontenay, peu de gens connaissent «le Frère Léon Chevalier», par contre on connaît «Léon», son sourire, sa bonhomie, sa simplicité, sa joie de jouer au football, son acharnement à vaincre... Ce n'est pas «un Frère», c'est Léon, voilà tout. Il est un copain comme les autres, que l'on con­gratule quand ça va bien et que l'on «en­gueule» quand ça va mal !

Ce qui le différencie peut-être un peu des autres, c'est qu'il ne discute pas, reçoit des coups mais ne les rend pas, respecte l'adversaire, l'arbitre et le public.

Combien de fois ai-je entendu ces mots :

- Léon, qu'est-ce que tu attends pour tirer au but ?

- Ah ! moi, je ne suis pas là pour ça.

Avant sa mort tout le monde le pensait,

maintenant tout le monde le dit : «Léon, c'est un exemple».

 Jusqu'à la fin de la saison, les joueurs porteront un brassard noir et chaque ren­contre sera précédée d'une minute de silence.

Pendant cette minute, Léon, tu es pré­sent dans toutes les mémoires, j'en suis persuadé ; et dans le cœur de chacun d'entre nous tu as trouvé une place qui restera tienne à jamais.

Et si la foi que tu vivais est vérité, alors... ce n'est qu'un au revoir, mon Frère.

Un ami de Fontenay

 

Photo : Le Fr. Léon Chevalier, debout, au milieu.