Lucien.fruchaudLe 11 octobre 1962, le jour de l’ouverture du Concile Vatican II, j’étais prêtre depuis trois mois. J’ai pu suivre attentivement les évolutions des schémas préparatoires, les échanges parfois vigoureux entre les Pères du Concile. J’ai accueilli avec joie les Constitutions, les Décrets et les Déclarations lorsqu’ils étaient votés au fil des sessions. Une grande espérance envahissait le peuple de Dieu.
Le Concile a été et demeure pour moi un authentique signe de Dieu pour ce temps de l’Eglise. Mais que connaissons-nous du Concile Vatican II ? Qu’avons-nous pu mettre en place ? Que nous reste-til encore à découvrir et vivre pour que l’Eglise puisse accomplir sa mission dans le monde ?

Que connaissons-nous du Concile ?
Encore peu de chose ! Même si, dans toute l’Eglise, dans tous nos diocèses, dans tous les lieux de formation universitaires ou diocésains, dans toutes les Congrégations religieuses et dans bien d’autres lieux, un immense travail a été accompli, nous n’en sommes qu’à des balbutiements. L’ensemble du peuple des chrétiens a beaucoup de chemin à faire pour le découvrir.
Quand aujourd’hui encore je présente dans ces grandes lignes la Constitution dogmatique Lumen Gentium à des chrétiens en responsabilité ecclésiale, je m’aperçois que c’est pour eux une grande découverte du mystère de l’Eglise, de la place du peuple de Dieu, de la vocation universelle à la sainteté.
Si, grâce au Concile, nous avons fait de grands progrès dans l’approche, la compréhension, la place que nous donnons à la Parole de Dieu dans notre relation au Christ, dans notre prière et dans notre agir chrétien, le véritable contenu de la Constitution dogmatique Dei Verbum reste à découvrir pour beaucoup.
Depuis cinquante ans nous travaillons à mettre en place ce que proposait la Constitution sur La Sainte Liturgie. Beaucoup a été fait pour rendre nos liturgies accessibles, vivantes, inculturées ; pour transformer nos églises afin qu’elles se prêtent à cette restauration de la liturgie et pour que chacun trouve sa place dans chaque célébration, mais nous n’avons pas encore pénétré au coeur de ce qu’est vraiment l’Eucharistie, de ce qu’apportent les autres sacrements : ceux de l’initiation comme ceux qui jalonnent notre vie chrétienne.
Ce sont toutes les Constitutions, les Décrets et les Déclarations conciliaires que nous avons à découvrir plus profondément et à bien comprendre. Mais quelle immense richesse entre nos mains ! Quel merveilleux et enthousiasmant travail à accomplir !


Qu’avons-nous pu mettre en place ?
Il est aisé d’énumérer les transformations déjà réalisées par Vatican II dans la vie de l’Eglise sur tous les continents : réforme liturgique, place donnée à la Parole de Dieu, responsabilisation des baptisés, large activité missionnaire pour porter l’évangile à tous, même sur nos territoires de vieille chrétienté, ouverture oecuménique, dialogue avec les autres religions, etc… mais, au coeur de tout cela, il y a une intention conciliaire qui était première et qui a fait son chemin : la grande valeur et la haute dignité de l’homme. La Constitution Gaudium et Spes qui présente 'l’Eglise dans le monde de ce temps’ porte ce souci majeur. Si on examine la manière dont fut écrite cette Constitution, les recherches, les remises en cause des Pères eux-mêmes et les longs débats qu’ils eurent entre eux, nous en comprenons davantage l’importance. Quand ce texte fut voté, les Pères avaient conscience que tout n’était pas dit sur l’homme mais les bases étaient en place pour que tous les hommes puissent être reconnus dans leur dignité et vraiment respectés. Le chemin à parcourir reste encore long pour que le Concile, sur ce point particulier, porte tous ses fruits ; mais la route a été bien ouverte, nous avons su la prendre et effectuer déjà un long voyage.


Que nous reste-t-il encore à découvrir et à vivre ?
Beaucoup de choses ! Mais il en est une qui me semble prioritaire pour l’homme aujourd’hui : prendre conscience du Salut que le Christ est venu lui apporter. Dans un monde où il y a encore tant de guerres, de luttes raciales et d’affrontements de toutes sortes, où les relations sont devenues planétaires et l’économie mondiale, où des millions d’hommes vivent dans des pauvretés extrêmes, le Concile nous rappelle ce qui est fondamental dans l’Evangile : nous sommes tous frères et sauvés par la vie, la mort et la résurrection du Christ.
Sans nous laisser troubler par quelques voix discordantes, même si elles font beaucoup de tapage, rendons grâce au Seigneur pour l’immense espérance ouverte par le Concile et pour le sérieux chemin déjà parcouru. Travaillons ensemble dans la confiance pour mieux connaître et rendre actuel Vatican II.
+ Lucien FRUCHAUD
évêque émérite de Saint-Brieuc et Tréguier

Chronique n° 261 de décembre 2012