La première fois que j'ai entendu parler des Frères Missionnaires des Campagnes, j'avais douze ans ; c'était dans un cours d'histoire en 6ème. Le professeur, un prêtre, avait vu dans le journal ‘la Croix’ la fondation de la Congrégation par le Père Épagneul, en 1943. Est-ce un pressentiment ?
Le chemin vocationnel
Je me représentais alors les Frères comme les moines défricheurs du Moyen-âge qui évangélisaient les campagnes. Mais la campagne, je ne la connaissais que de façon bien superficielle, si ce n'est durant les vacances en Beaujolais ; j'allais en vélo à la découverte de quelques villages. Je suis né à Tarare (Rhône), huitième enfant de la famille, dans une ville de 12 000 habitants surtout marquée par l'industrie et les usines de textile. Dans la paroisse, à l'église où j'ai été enfant de chœur, j'entendais parler surtout de la condition ouvrière qui était difficile pour certains. Des prêtres étaient attentifs à ce problème. Dans le diocèse de Lyon, Monseigneur Ancel a mené une vie d'ouvrier quelques temps. Cela m'impressionnait, mais je ne pensais pas vivre de cette façon. Finalement, c'est au collège, en seconde, que l'idée de la vocation s'est précisée davantage pour moi. Un livre m'a spécialement intéressé : ‘le beau risque de la foi’, par l'abbé Joly. Le prêtre qui faisait le cours de religion et qui nous donnait le goût de la Bible, voyant que je voulais savoir comment vivent les Frères des Campagnes, m'a conseillé d'aller continuer le parcours scolaire au séminaire de vocations tardives de St Jean-les-Deux-Jumeaux, à trente kms de la Houssaye. J'ai fait le déplacement plusieurs fois. La vie fraternelle que je découvrais au prieuré St. Martin, la prière des Frères à la chapelle, leurs allées et venues dans le village, rejoignaient quelque chose que je cherchais. La présence d'hommes qui avaient une expérience dans le milieu agricole surtout, partageant leur savoir faire avec des Frères qui avaient fait d'autres parcours, tout cela m'a permis de décider d’entrer au noviciat.
Chez les Frères Missionnaires des Campagnes
Ma première profession a eu lieu à la Croix-sur-Ourcq, le 29 septembre 1953, fête de Saint Michel. Les premières années de formation ont été intéressantes, bien que difficiles. Un professeur, chez les Oratoriens où nous allions, a su par exemple me rejoindre, dans mes centres d'intérêt. J'ai eu un devoir à faire sur les églises romanes proches du prieuré de St Sulpice, dans l'Oise. Plus tard, dans le même sens, on m'a permis de prendre des cours d'orgue à Paris, à l'école César Franck. Le service militaire est venu : vingt-sept mois en Algérie. Heureusement, on m'a demandé d'aller dans un centre de regroupement pour m'occuper des enfants. Avec plusieurs camarades on discutait beaucoup ; on avait fait un groupe de prière. De retour en France, j'ai rejoint les Frères au prieuré d'étude de Pibrac ; c'est là que j'ai été ordonné prêtre le 8 avril 1962. Il serait un peu long de parler des communautés où j'ai vécu, de six ans en six ans : Boulogne-sur-Gesse, la Motte-Chalancon, la Houssaye, Crèvecoeur-le-Grand, Montricoux, le Moulin de l'Oulme. Bien sûr j'ai toujours essayé de vivre au mieux le service des paroisses, avec les collaborateurs qui se proposent. J'ai eu plusieurs engagements au travail manuel et professionnel : dans le jardinage, comme manœuvre, et même dans une petite usine où l'on fabriquait des tapis en caoutchouc. L'emploi qui m'a le plus ouvert les yeux a été celui de ‘la Familloise’. Cette association, près de Beauvais, permet à des familles mal logées, dans le territoire rural, d’améliorer leur habitat. Je n'avais jamais autant fait l'expérience de la proximité avec des gens sur d’autres chantiers. Également avec le mouvement Vie Libre, dont j'ai fait partie longtemps. Dans l'Oise j'étais pratiquement le chauffeur d'un militant buveur-guéri : nous partions en visites tous les quinze jours environ, en suivant tout un réseau de relations.
Un fil rouge
Voilà un parcours que je n'avais pas imaginé au départ. J’y reconnais un fil rouge depuis l'enfance : un monde où travailler avec le Seigneur. Il connaît chacun de ses enfants et nous fait passer par des expériences humaines variées, selon les tempéraments. Le mien avec mes hésitations gène quelque fois des personnes, ou au contraire en met d'autres à l'aise (on arrive à se comprendre !). Ce qui compte avant tout, c'est la Personne du Christ et son amour pour tous les hommes. Comme le dit le prêtre et poète Jean Debruyne : il faut apprendre à vivre avec ce que l'on est ; alors la faiblesse devient une force.
Frère Michel THIVEL
Prieuré Saint Martin La Houssaye-en-Brie (Seine-et-Marne)
Chronique de Décembre 2010.
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