Je suis né en Bretagne pas loin de la mer. Mes parents étaient comme leurs parents, des paysans. Comme les dix autres familles du village, nous vivions sur une terre de cinq ou six hectares. Elle était divisée en une partie labourable, une autre en prés et le reste en lande bretonne.
Un jour, le propriétaire a décidé de vendre cette terre et la maison attenante.
Alors nous avons déménagé ma mère, ma jeune soeur et moi. Nous ne sommes pas allés très loin.
Deux petites années passèrent. Puis j’ai été appelé pour le service militaire. Ça durait à l’époque vingt-huit mois.
Entre temps, le modèle d’agriculture dont nous vivions est devenu non viable. Alors, j’ai émigré. Dans le village, il y a longtemps qu’il n’y a plus aucun paysan.
Par hasard, je me retrouve en Brie, dans la Seine-et-Marne. J’ai trouvé là un emploi lié à l’agriculture et à l’élevage.
Un jour, je ne sais pas pourquoi, quelqu’un me pose tout de go la question suivante : « Tu n’as jamais pensé être prêtre toi ? ». J’ai répondu : « Non ! ».
Puis, je m’en retourne à mon travail.
Quelques semaines après, je viens lui dire : « Je pourrais peut-être essayer ! » Comme ça, l’air interrogatif sûrement.
Chez nous, en Bretagne, on allait à la messe et on fêtait le ‘pardon’. Et souvent quand on partait, c’était difficile de continuer.
Il est vrai que moi j’avais été marqué par la foi d’un jeune couple de mes amis, militants à la J.A.C.
Chez les Frères avec les travailleurs immigrés
Toujours est-il que celui qui m’avait posé la question, jeune prêtre à l’époque, m’oriente vers un séminaire de « vocations tardives » où il fallait s’initier au latin et tout le reste.
C’est là, dans ce séminaire situé à Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux pas loin de Meaux, que je rencontre plusieurs candidats à la vie des Frères Missionnaires des Campagnes. Vivre en communauté, à la campagne, travailler avec les gens. Je suis de nouveau séduit, J’ai envie de me joindre à eux.
Ce fut une nouvelle phase de formation en commençant par le noviciat. Après s’ensuivront quelques années d’études. Puis les responsables de la Congrégation me proposent d’aller vivre dans une communauté au milieu des travailleurs immigrés. Ce fut dans la Vallée de la Marne près de Château-Thierry.
Lá je suis resté dix-huit ans dans une entreprise de métallurgie et quatre ans dans une autre. Tout ça au milieu des vignes de Champagne et de travailleurs qui arrivaient de partout, entre autres du Portugal.
Et, de fil en aiguille, je me retrouve au Portugal pendant dix ans, partageant mon temps entre un travail dans une entreprise de travaux publics et dans la paroisse.
Au Brésil
Depuis 2002, j’ai rejoint les Frères au Brésil courant avec eux l’aventure de l’Amérique Latine.
Dans ce Brésil grand comme dix-sept fois la France, nous nous retrouvons dans la région Nord, proche de l’Equateur. C’est là que commence l’Amazonie dont fait partie la Guyane française. C’est une région riche en ressources naturelles, notamment en minerais (fer, cuivre, aluminium, or,...) ; riche aussi en bois de qualité, abondante en eau (presque deux mètres par an). Mais, qui dit richesses, dit convoitise. Le bois a complètement disparu. Il est parti jusqu’en France. Le minerai est aux mains de grandes sociétés capitalistes multinationales. La terre est appropriée souvent par de riches propriétaires.
Fort heureusement, ces dernières années, la conscience que les pauvres ont fondamentalement les mêmes droits que les riches se développe. Alors nous emboîtons le pas à l’Eglise et son option préférentielle pour les pauvres et aux laissés pour compte qui luttent pour un bout de route, un pont, une maison... Et nous sommes convaincus que la Bonne Nouvelle de l’Évangile passe aussi par là.
Frère Raymond CONAN
Prieuré Padre Josimo
Coquelandia (Brésil)
Chronique n° 261 de décembre 2012