Merci à vous tous de votre présence en venant célébrer le passage vers le Père du Frère Hubert-Louis DE GOY. Membres de sa famille, sœur, neveux et nièces, habitants de Lorris et des environs, Frères et Sœurs des Campagnes, membres de la Fraternité des Frères et Sœurs, vous qui avez été en lien avec lui. Et en cette période de vacances, beaucoup n’ont pu assurer ce déplacement.

Le Frère Hubert-Louis est né en 1924 à Nevers ; le quatrième de la famille. Son père, plusieurs fois blessé à la guerre décèdera quelques semaines après la naissance de Hubert.

Des problèmes de santé vont le toucher très rapidement et le poursuivront toute sa vie l’obligeant à arrêter des mois durant toute responsabilité.

C’est en 1945 21 ans, qu’il entre au noviciat des Frères Missionnaires des Campagnes où son frère ainé, Pierre, l’avait précédé dès 1943 au tout début de la Congrégation.

Il fait ses études chez les dominicains, Profession perpétuelle en octobre 1949. Après plusieurs temps de repos-convalescence, il poursuit ses études chez les Oratoriens, il est ordonné prêtre en 1952.

Il est chargé d’accompagner les frères étudiants en philosophie, et, selon son expression, « j’apprends plus que je ne donne en enseignant spiritualité et Pères de l’Eglise ».

Mais la fatigue l’oblige à s’arrêter de nouveau. Il rejoint la Communauté de Canappeville puis le Neubourg dans l’Eure, où il fait du défrichage et quelques autres services, avant de reprendre du service paroissial.

Un an dans l’Aisne comme aide-jardinier avant de rejoindre la communauté de la Drôme à La Motte-Chalancon en 1972. Il y restera jusqu’en 1987.Une région qui le marquera beaucoup

En 1987 il rejoint Montricoux dans le Tarn-et-Garonne, avec pour mission le soutien de la communauté paroissiale et la préparation de l’avenir pour les petits villages. Une responsabilité de curé et de responsable de la communauté qui lui pèse et le « désinstalle » en même temps.
C’est en 2003 qu’il rejoint la communauté de Frères ainés à Lorris, assurant une présence fraternelle et priante, selon les moyens de chacun et rendant quelques services dans les communautés chrétiennes voisines.
Et en octobre 2018, il y a 10 mois, il rejoint la « Maison d’Emilie » (EHPAD de Lorris, accompagnant le Frère Marius Aubry, partageant la vie des pensionnaires, y compris le scrabble, et selon ses propres mots, « attendant la rencontre redoutable et pleine de miséricorde avec Celui qui nous aime tant qu’il veut nous faire aimer comme lui. »
Depuis quelques semaines on le sentait souffrant mais faisant face. Hospitalisé à Gien vendredi soir, il nous a quittés samedi soir.
Avec modestie, son écoute de l’autre, sa profondeur il avait une place très importante dans la communauté.

Lecture de la première lettre de saint Jean 1 Jn 3,14.16-20

Mes bien-aimés,
nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie
parce que nous aimons nos frères.
Celui qui n’aime pas demeure dans la mort.
Voici comment nous avons reconnu l’amour :
lui, Jésus, a donné sa vie pour nous.
Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères.
Celui qui a de quoi vivre en ce monde,
s’il voit son frère dans le besoin sans faire preuve de compassion,
comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ?
Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours,
mais par des actes et en vérité.
Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité,
et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ;
car si notre cœur nous accuse,
Dieu est plus grand que notre cœur,
et il connaît toutes choses.

 

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc Luc 12,35-38.40

Jésus disait à ses disciples :
Restez en tenue de service,
et gardez vos lampes allumées.
Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces,
pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.
Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée,
trouvera en train de veiller.
Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins,
les fera prendre place à table et passera pour les servir.
S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin
et qu’il les trouve ainsi,
heureux sont-ils !
Vous aussi, tenez-vous prêts :
c’est à l’heure où vous n’y penserez pas
que le Fils de l’homme viendra. »

 

Homélie

Il y a quelques années, aux obsèques d'un de nos Frères, j'étais assis dans l'église à côté de Frère Hubert-Louis ; et à un moment, je l'entends dire : « Il a de la chance lui ! » J'ai été assez étonné, mais j'ai alors pensé que notre Frère espérait que vienne assez vite cette rencontre qu'il qualifie lui-même de « redoutable et pleine de miséricorde avec Celui qui nous aime tant. » Il a vécu maintenant cette rencontre et il peut contempler dans le face à face ce Père aimant et plein de miséricorde.
« Restez en tenue de service, »
Frère Hubert-Louis a connu des moments de fatigue, au point d'interrompre études et activités pastorales. A plusieurs reprises, il a dû prendre de longs moments de repos.
Mais notre Frère n'était pas du genre à rester sans rien faire, alors il se met au travail manuel, parce que ,disait-il, « parfois je ne peux rien faire d'autre ». Je pense que dans les prieurés où il est passé, presque toujours, c'est lui qui a travaillé le jardin et qui en a cuisiné la production. Nous avons pu le voir dans ces dernières années ; c'était parfois à la limite de ses forces physiques.
« Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller... c'est lui qui les fera prendre place à table et passera pour les servir. »
Celui qui est venu se faire Serviteur vient accueillir ceux qui, tout au long de leur vie, ont servi Dieu en prenant soin de leurs frères.
Frère Hubert-Louis a servi les autres, physiquement... manuellement
Il a les servis aussi spirituellement.
Frère Hubert-Louis état un homme d'écoute.
Écoute de la Parole de Dieu..... Écoute des autres.
C'est pour cela qu'il lui a été demandé d'accompagner des communautés, des Frères, des Sœurs, des laïcs, divers groupes de chrétiens, dont tout récemment à Lorris les équipes du Rosaire.
Homme d'écoute, il a intériorisé la Parole de Dieu et la parole des autres ; aussi ses prises de parole étaient éclairantes et toujours appréciées.
Cet accompagnement, il l'a vécu dans l'humilité que nous lui connaissons. Une humilité réaliste, pleine de bon sens. Quand on lui demande d'enseigner aux frères étudiants la spiritualité et les Pères de l’Église, il écrit : « Enseigner permet d'abord d'apprendre... J'apprends plus que je donne ».
Sur le plateau du Neubourg dans l'Eure, Frère Hubert-Louis commence une responsabilité pastorale que la fatigue lui fera arrêter trop vite. Mais il accompagne des équipes d'ACGF, l'Action Catholique des Femmes. Il écrit : « des équipes de grande qualité qui m'aident à mûrir et à m'ouvrir, en particulier à la situation des femmes dans la société et dans l’Église ».
« Je ne suis pas fait pour diriger » écrit-il encore. Et c'est heureux! Alors, il poursuit : « Ce m'est une grande joie d'être avec un peuple, d'avancer avec des chrétiens qui ont conscience d'être l’Église, en ce temps du Concile ».
Un homme de foi qui sait voir l'Esprit à l’œuvre dans la vie de l’Église, et qui rend grâces à Dieu.
La foi de Frère Hubert-Louis, c'est dans la vie ordinaire et quotidienne, la certitude d'être aimé de Dieu, même s'il reconnaît que c'est toujours à commencer et à recommencer : « En toutes circonstances, il est possible, sinon d'aimer vraiment, du moins de commencer à aimer. » C'est de cette manière que notre Frère a vécu la parole de la lettre de saint Jean : « n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. »
Notre Frère a fait profession de suivre Jésus. Il l'a contemplé dans sa parole et dans sa vie : « Voici comment nous avons reconnu l’amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. »
Nous avons pu parfois nous agacer quand Frère Hubert-Louis parlait de ses limites, de ses incompétences. Il a fait maintenant la rencontre avec Dieu dont saint Jean nous dit qu'il apaise notre cœur, « car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. »
Nous sommes là pour remettre la vie de Frère Hubert-Louis entre les mains de Dieu notre Père, pour rendre grâces pour tout ce qu'il fait de bon. Que nous sachions suivre l'exemple qu'il nous donne.
Je vous livre encore une de ses belles paroles : « Dieu nous aime tellement qu'il veut nous faire aimer comme lui ».
Frère Paul Fruchet

Pardonne-moi, mon frère,

De n’être que moi-même

Avec des ombres et des lumières

Des faiblesses et des misères…

Oui pardonne-moi

De n’être en ta vie

Qu’une bien médiocre compagnie

Pardonne-moi, mon frère,

De n’être pas celui

Dont tu avais sans doute rêvé

Et quelque peu espéré…

Oui pardonne-moi

De n’être que cet autre, celui

Que sur ton chemin tu n’as pas choisi.

Pardonne-moi, mon frère,

D’être, de toi, si différent

Et de t’agacer aussi souvent

Par mes manies et mes manières.

Oui, pardonne-moi

D’être encore celui

Qui a bien du mal à te pardonner aussi.

                                                                                              Aiguebelle, 5-11-1990

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Au cours d’une rude journée

De marche en brousse

Et quand le cœur n’y est pas

Et que le sommeil ne vient pas

Je suis seul ce soir

Brisé, épuisé…

Seul et sans savoir à qui me confier

Je suis seul ce soir

A me lamenter

Seul et sans espoir

D’être réconforté

Soif s’une tendresse

A jamais échangée

Soif d’une jeunesse

Pour toujours assurée…

Tu es là ce soir

Dans l’ombre caché…

Là et sans te voir

Vers toi j’ai crié.

Joie de ta présence

Seigneur bien-aimé.

Joie de ton silence

Où je peux t’adorer

Tu es là ce soir

Très douce clarté.

Là et seul à pouvoir

De joie me combler.

Joie de ta tendresse

A jamais partagée.

Joie de ta jeunesse

Pour toujours renouvelée.

                                                           Atchangbadé le 14-12-1972

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Tout est silence, tout est louange

Pour ce jour accompli.

L’obscurité a tout envahi

Et l’abbaye en paix s’endort..

Mais tel un veilleur dans la nuit,

Il est un feu qui luit

Et qui jamais ne s’éteint :

Mystérieuse présence

D’un Dieu qui nous aime

Et sans cesse nous soutient.

Tout est silence…Tout est reconnaissance

Pour ce jour qui finit

Et dans la froidure de la nuit,

En paix je m’endors.

Car je sais que brûle encore un feu,

Un feu qui luit

Et qui jamais ne s’éteint :

Le feu de l’amour

Dont le Seigneur qui vieille est le gardien

En est le gardien.

                                                        Tamié le 21-7-1976

 

Témoignage de Bernard de Joybert (fils de Françoise, sœur de Christian).

Christian, dois-je vous appeler oncle Christian ou frère Christian ? Car pour moi, vous avez été oncle et frère.
Oncle d'abord; je vous voyais pendant mes vacances scolaires à Villedieu chez mes grands-parents. Je servais votre messe matinale dans cette chapelle surélevée au pied de la pietà. Vous me donniez des cours de flûte. Vous racontiez des blagues.
Mais vous avez été plus qu'un oncle: vous avez été un frère. Vous m'avez appris la fraternité. Vous aviez ce merveilleux contact, cette capacité de parler à tous, de manier l'humour qui met du liant dans les relations humaines. J'ai eu la chance de vous retrouver à Atchangbadé au Togo et j’ai pu vivre une authentique fraternité avec la communauté des frères missionnaires des campagnes et les villageois. Finalement, avec le temps, je vois que vous m’avez appris l'essentiel.
Adieu oncle Christian, adieu frère Christian.
Bernard.

Témoignage de Bruno Cousin (fils de Jacqueline, sœur cadette de Christian).

Cher Christian,
J’ai suivi les traces de Bernard en vous rejoignant au Togo pour partager votre vie un mois durant.
Et j’ai découvert combien les gens vous aimaient parce que vous étiez si proches d’eux dans leur diversité : une femme qui allait accoucher et que nous avons emmenée d’urgence à l’hôpital de brousse, la recherche des points d’eau avec votre baquette de sourcier, les palabres sur les marchés colorés, les temps d’animation des jeunes et moins jeunes, les célébrations liturgiques
Pendant les grandes vacances, nous recevions chez nos grands-parents, vos parents, Mamie et Bon-Papa, vos cartes postales lues en famille, avec mille détails qui nous faisaient tant sourire, et vous partagiez votre vie en communauté avec ses bonheurs et parfois ses difficultés.
Votre arrivée dans notre maison de famille à Villedieu, était toujours une joie : vous étiez taquin, joueur et rieur, ce qui donnait d’autant plus de portée à vos petits mots incisifs pour faire passer vos messages, et recadrer les grands adolescents que nous étions..
Vous avez célébré mon mariage avec Isabelle qui ne pouvait être là aujourd’hui
Et votre vie consacrée au service de l’Eglise et des autres, et votre Foi, ont toujours forcé mon admiration, et comme votre frère Bertrand, jésuite, vous êtes pour beaucoup pour le fait que je sois mis il y a un an au service du diocèse de Paris.

Cher Christian, vous aimiez écrire des poèmes sur le ciel étoilé d’Afrique, sur Noël, ou sur la vie à la Motte et en voici sur votre relation à Dieu :

 Tu es là, ce soir,
Dans l’ombre caché,
Là et sans Te voir
Vers Toi j’ai crié

Joie de ta présence,
Seigneur bien-aimé,
Joie de ton silence
Où tout est deviné

Tu es là ce soir,
Très douce clarté
là et seul à pouvoir
De joie me combler

Joie de ta tendresse
à jamais partagée
Joie de ta jeunesse
pour toujours assurée

Atchangbadé 14 décembre 1972

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