Témoignage de Sr Claire Grabié, clarisse à Millau, sœur de Frère François, lors de la sépulture.

Nous les frères et soeurs de François regardons s’en aller avec peine celui qui était aimé partout où il passé ; mais une joie nous habite : celle de savoir qu’il est arrivé enfin au port désiré. Il a donné sa vie à pleine mesure, il a aimé et est maintenant dans les bras de Dieu.

Depuis ses vingt ans il a vécu avec les FMC qui l’ont accompagné et aimé jusqu’au bout, et particulièrement ces derniers mois, ses Frères de Rabastens. La maladie de Charcot lui a enlevé petit à petit son autonomie et même la parole. Cela a été dur pour lui, si joyeux, si relationnel, de ne plus pouvoir communiquer ou sourire.

Grâce à la prévenance de la famille, de ses Frères, de ses amis qui ont comblé le déficit croissant de sa perte d’autonomie, il a fait sa route.

A travers son travail, les chorales qu’il a animées, les rencontres avec la communauté portugaise, il a semé d’humbles gestes qui font vivre, c’était un être d’amitié et de partage.

J’ajoute qu’il était, enfant, le plus turbulent de la fratrie. Tandis que Jean, notre aîné, grimpait dans les arbres dès le matin, François jouait aux billes puis dévalait les escaliers en chantant. Nous chantions ensemble pendant la vaisselle, lui ténor, moi alto. Un de ses professeurs du petit séminaire a dit de lui : joyeux rime avec généreux.

Je me souviens d’une promenade au bord du Tarn où François a écouté pendant ¾ d’heure un pêcheur lui expliquant comment attraper les poissons ! Une fois il a donné son sandwich à une fille plus pauvre que lui, son joli pull, à la manière de saint Martin (patron des FMC), payé une ballade en barque à une amie.

C’était un homme discret, aimable, courtois qui n’essayait pas de convertir les autres mais simplement les aimer, à leur niveau, même s’il avait des défauts comme tout le monde, gardant toujours son côté espiègle.

Merci à tous ceux qui sont venus lui dire au revoir, ici dans l’église de Rabastens, à tous ses neveux et nièces..
Je tiens aussi à remercier chaleureusement les Frères Missionnaires des Campagnes d’ici et d’ailleurs, de Bologne sur Gesse, vivants ou morts : Jacques Dentin qui aidé François..mais tous l’ont aidé.

Prêtez l’oreille..n’entendez-vous pas ? … venant du paradis quelques accords d’accordéon. N’est-ce pas la voix de votre petit frère qui vous aime ? et que chante-t-il ? : « Vous êtes à jamais inscrits dans le tissu de ma vie d’une écriture indélébile. Croyez à la douceur de mon amitié… à la main qui serre votre main. Je ne vous quitte pas, vous souris et vous attends l’un après l’autre… A bientôt. »

Sœur Claire Grabié,
 

Témoignage de Colette, sœur de François lors de la sépulture à Rabastens

Je me souviens de la réponse de Frère jacques, alors prieur de Boulogne, à maman qui lui demandait ce qu’il pensait de François. Il avait répondu : « Il est joyeux. » Elle avait trouvé cela un peu court !
« Joyeux » à cette époque où il pouvait escalader les Pyrénées avec Frère Alric et ses amis, aller par monts et par vaux, chanter à la chorale, faire une partie d’échec avec ses petits neveux et rire avec eux en regardant l’émission des « zouzous » tout en mangeant un bon gâteau, c’était facile.
Mais quand des choses aussi simples que marcher à grandes enjambées, s’habiller, battre la mesure, chanter et simplement parler n’ont été que des souvenirs, comment pouvait-il encore sourire ? Qu’est-ce qui animait sa joie ?
C’était d’abord sa vie dans sa communauté. J’ai été témoin des attentions et de l’aide de chacun des Frères pendant toutes ces années :
- C’est Clément qui lavait ses chaussettes en pure laine pour réchauffer ses pieds.
- C’est Victor toujours prêt à l’embarquer dans sa voiture, au prix de beaucoup d’efforts, afin qu’il puisse satisfaire son besoin d’escapade.
- C’est Eugène qui tous les matins l’aidait à enfiler son pull avant de pousser son fauteuil jusque la salle de prière.
- C’est Paul qui humidifiait sa descente de lit pour qu’il ne glisse pas et appuyait sa demande d’une chambre plus grande.
- C’est Michel, préféré aux aides soignantes pour être son coiffeur, son barbier, son pédicure…etc
Tous si pleins de prévenance !
Mais par-dessus tout, sa joie était le témoignage de son authentique relation à Dieu. Cette relation était le fondement de sa vie.

Colette

Bonaventure Tianhoun

1974 - 2017

C’est bien, serviteur bon et fidèle
Entre dans la joie de ton Seigneur
Mt 25,23


Frère Bonaventure Tianhoun
nous a quittés
sans faire de bruit.

Il avait 43 ans.

Le bonheur de répondre à l’appel
Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs (He 3, 7-8)

En février 2010, à 75 ans, je rejoignais le prieuré Helder Camara, prieuré de noviciat à Palestina, dans l’état 2018 Frère Eugèe au Bresildu Para au nord du Brésil. Je me suis rendu compte que ce changement m’a interrogé : les migrants savent que repartir ailleurs n’est pas sans épreuve. En Vie Religieuse, aller habiter ailleurs est normal. Cela ne m’a pas tellement coûté. L’orientation profonde de ma vie y est pour essentiel. Je résumerai mon itinéraire en quatre périodes à la lumière d’un verset de l’évangile : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; si bien que tout ce que vous demanderez au Père ne mon nom, Il vous l’accordera (Jn 15, 16)

Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi qui vous ai choisis. Un appel
Enfant et adolescent, à qui me demandait ce que je voulais être dans ma vie, je répondais : agriculteur. Je ressentais un appel de Dieu à la vie missionnaire. A 19 ans cet appel fut précis et me reste inoubliable ; j’en sortis heureux mais habité, durant 6 ans, par un grand « comment cela se fera-t-il » ? A 25 ans, je m’en ouvris à un prêtre ; conforté, j’allais de l’avant. A qui tentait de me dissuader de partir, je répondais : « mon grand désir, c’est d’être heureux » ! Je quittais ma famille et mon travail d’aide familial.

et institués. La confirmation de l’appel, le temps de la formation.
Durant quatre ans, à l’école apostolique de Saint Ilan (Côtes d’Armor) avec un objectif : je récupère des cours du secondaire. En réalité ce fut bien davantage : la rencontre de religieux, les Pères du Saint-Esprit, et des compagnons appelés eux aussi par le Seigneur : un appui pour confirmer ma décision.
J’avais 30 ans quand je me suis joint aux Frères Missionnaires des Campagnes. Durant l’année de noviciat, je me sentais heureux, membre du peuple de Dieu dont je découvrais le projet dans la Bible. Puis suivirent les années de formation en communauté FMC. J’avançais dans la foi, non sans douter à certains moments. En 1971, après les vœux perpétuels, en la fête de l’ascension, avec au cœur une joie de disciple, j’étais ordonné prête avec un grand désir : exercer ce ministère comme un service du peuple.

pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. La mise en œuvre de l’appel, le temps de la mission.
Après mon ordination, je fus d’abord envoyé au prieuré de Boulogne-sur-Gesse. Tout en assurant un service paroissial, je travaillais comme ouvrier agricole. Puis je fis un stage FPA en électricité du bâtiment.
2018 Frère Eugène au Portugal.jpgEn 1975, je suis appelé à rejoindre un Frère commençant une communauté dans le Sud du Portugal ; un prieuré de Soeurs des Campagnes nous y précédait ; ce fut un privilège dans ma vie. Nous vivions dans un village, Lagaméças, d’abord à deux, puis à trois et quatre Frères, en grande proximité avec la population. Après la révolution des œillets en 1974, les questions politiques et sociales étaient présentes chez tous les gens ; à notre mesure nous les accompagnons. Chacun des Frères étaient insérés différemment ; pour ma part comme électricien en bâtiment et administrateur paroissial. Nous donnions priorité aux rencontres de groupes, surtout bibliques ; des adultes et des jeunes y préparaient leur baptême que nous célébrions la Nuit de Pâques : souvenirs inoubliables de la joie des nouveaux baptisés ! Certains de ces compagnons de route font aujourd’hui partie de la ‘Communion : laïcs, Sœurs, Frères Missionnaires des Campagnes’.
En 1994, je rejoignais Coquelandia, au Nord-est du Brésil (Etat du Maranhão). Là, à partir d’une « option préférentielle pour les pauvres », choix de l’Eglise d’après Concile au Brésil, j’ai appris à aimer un peuple de culture différente et, spécialement les petits de ce peuple, organisés en groupes de rues. J’y suis resté comme administrateur paroissial jusque mes 75 ans, d’où je suis parti pour le prieuré de Palestina do Para.
si bien que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera. Arrivé au temps de la retraite, l’appel continue ;
Passé le temps des engagements prenants, je me vois maintenant en situation plus gratuite d’auxiliaire, avec seulement quelques responsabilités et services partiels dans la communauté des Frères et en pastorale ; les nombreux problèmes sociaux de la région ne sont pas sans nous interpeller. Mon emploi du temps est plus libre : je me suis joint au club des personnes âgées de la commune.
Je demande à Dieu, dont la fidélité ne m’a pas trompé, la même grâce pour aujourd’hui et demain. Et, avec ceux et celles qui avancent en âge, je confie au Christ mes efforts voués à la conservation de la santé du corps et de l’esprit ; mais qu’en tout sa volonté soit faite ! Je compte sur les Frères de ma communauté, pour cette nouvelle étape, ce nouveau temps de grâce où l’essentiel est à poursuivre sous la mouvance de l’Esprit.

Frère Eugène LEGEMBLE
prieuré Helder Camara
palestina do Para (Brésil)