Frère Alain Porteu de la Morandière est décédé le 9 juin 1993 dans sa famille, à Quiberon. La célébration des obsèques a eu lieu le 11 juin à l'église de Francueil (Indre-et-Loire), la paroisse de son Prieuré, et il a été inhumé au cimetière des Frères, à La Houssaye-en-Brie en Seine-et-Marne.
Voici quelques extraits des paroles dites par Frère Michel Yverneau et Frère Pierre Hauville lors de la célébration des obsèques à Francueil.
« L'événement qui nous rassemble aujourd'hui est le passage d'Alain. Soixante-neuf ans de vie d'homme et de baptisé. Quarante ans de profession religieuse, dans plusieurs communautés : La Houssaye-en-Brie, Pibrac, Boulogne-sur-Gesse, Crèvecœur et, depuis dix ans à Luzillé et Francueil. Ces quarante années furent marquées par l'expérience du travail, souvent interrompue pour des raisons de santé. Les relations quotidiennes furent nombreuses. La peinture, partagée avec d'autres personnes, a été pour lui un moyen de dire et de communiquer sa foi : paysages de mer, paysages de Touraine, comme un chant à la création et au Maître de la vie.
Ce passage par la mort fut une traversée dans la foi. Ce passage, ce matin, nous le vivons en communion fraternelle, avec Alain et avec les 17 Frères qui le précèdent dans la mort et la résurrection du Christ ».
« A la fin du mois d'avril, à sa sortie de l'hôpital, Frère Alain passait quelques heures au Prieuré, à Francueil, avant de partir pour Quiberon dans sa famille. Il nous disait : "Là-bas, je vais profiter de l'air de la mer et de l'iode, ça ira mieux et je reviendrai". Mais au fond de lui-même, il savait très bien qu'il ne reviendrait pas à Francueil. Très rude dans ses expressions, comme beaucoup d'anciens marins, très discret, très secret sur sa vie spirituelle, il sut, par des petits gestes, faire pressentir ce grand cheminement intérieur qu'il vivait.
Sa famille l'a soigné, entouré, aidé physiquement et spirituellement. Courrier, téléphone et visites ont maintenu une grande proximité avec les Frères jusqu'au jour de la traversée... »
Extrait de CHRONIQUE des FMC et SC - N° 184 - Septembre 1993
Veiller...
Accueillir le Seigneur...
Quand Il vient...
Homélie
Par Frère Hubert-Louis de Goy
Cet évangile nous parle de situations opposées :
Départ -et- on ne sait quand : Retour...
Incertitude-et-continuité dans la tâche demandée...
Absence et présence retrouvée...
Nuit-et-lumière...
Situations successives mais aussi « à la fois », comme la mort et la vie, mêlées.
Dans le vivant la mort est présente et de la mort peut surgir la vie.
Je vois frère Gérard - à l’automne - activement et soigneusement il ramassait les feuilles mortes, pour la propreté, surtout pour enrichir, assouplir, vivifier la terre de son jardin... Des feuilles « mortes » pour « la vie ». C’était plus que le cycle naturel comme dans la forêt, car l’art du jardinier en faisait surgir quelque chose de neuf et d’excellent.
Mais pâle ébauche et annonce de l’imprévu qu’annonce l’Évangile !
Là, cet imprévu survient au retour des noces du maître à qui les serviteurs ont ouvert dès qu’il a frappé - « à l’heure où ils n’y pensaient pas ».
Alors, tout bascule ; le Maître, au lieu de se faire servir prépare le repas et fait passer à table les domestiques, les traite royalement : c’est le monde à l’envers et bien autre chose qu’un remerciement. Les domestiques ne sont plus des serviteurs mais des rois.
La fidélité au service du Maître, fr. Gérard l’a exercée avec ténacité.
Il y a peu, à la retraite quand il participait aux Jardins solidaires, à Solidarité Emploi Service de Lorris et au Secours Catholique, dans son accueil aux personnes en passe difficile.
Étant ouvrier maçon, il avait le souci du travail bien fait et le souci de la justice pour ses camarades comme pour ses employeurs.
A un moment, rendu incapable de tout mouvement, il aurait pu tout arrêter, il s’est imposé de reconquérir l’autonomie malgré la douleur qu’il gardait pour lui. Il a maintenu le service de ses frères comme de bien d’autres comme le service de Dieu.
Est-ce pendant ses études ? Il a semblé qu’un moment il s’est senti mal jugé, peut-être mis de côté ; il en a gardé une blessure qui ne l’a jamais empêché de se donner généreusement. En tout cela il me paraît proche du Christ attaqué et incompris sans jamais renoncer à sa mission. Le Christ attaqué : venu chez les siens mais les siens n’on pas reçu celui qui dérangeait.
Le Christ incompris par ceux qui le suivaient avec admiration mais dépassés par la grandeur de ce que le Maître proposait : partager la vie de Dieu. Et Jésus-Christ a donné jusqu’au bout, pour nous amener au-delà de nous-mêmes, au-delà de la mort.
Frère Gérard aussi, à sa manière, a donné au-delà de ses limites. La foi qui l’animait était celle du catéchisme, sans enfantillages ni sentimentalisme. C’était un tout - simple - qui le portait à être « pour », à s’efforcer de faire ce qui est à faire ; ainsi tout le monde s’en porterait mieux. Chacun au service des autres.
Le Seigneur, suite à ses noces avec les hommes, l’a trouvé en train de veiller. Fr. Gérard lui a ouvert sans tarder.
Que Jésus-Christ devenu « serviteur » le fasse passer à la table du Royaume, celle des Fils de Dieu enfin libres, enfin eux-mêmes, car en tous Dieu est Tout.
TEMOIGNAGE de Philippe Lecocq
Ma participation depuis 8 ans environ à la préparation des ADAL (Assemblées Dominicales Animées par des Laïcs), une fois par mois m’a permis de connaître et d’apprécier Fr. Gérard chez lequel j’ai découvert de grandes qualités :
Toujours disponible, toujours de bonne humeur et même quand on lui demandait de quitter son jardin qu’il aimait tant, pour répondre à notre groupe, il le faisait volontiers.
Il avait une grande culture religieuse et une foi profonde qui était ancrée sur sa connaissance des textes bibliques et de la vie du Christ dont il connaissait les décors ayant été en Israël.
Il avait une grande aptitude à saisir le sens des messages contenus dans les lectures sur lesquelles reposaient nos assemblées.
Très souvent, il était animateur de nos assemblées. Pour prendre un exemple concret, lors de la préparation de notre ADAL de dimanche dernier, Gérard avait tout de suite souligné que les disciples d’Emmaüs n’avaient pas reconnu le Christ ressuscité lorsqu’il avait fait appel à leur foi, mais seulement au moment du partage du pain et avait souligné qu’il était allé à Emmaüs lors d’un voyage en Israël.
Il avait aussi le sens de l’humour et ne se formalisait pas lorsque nous trouvions qu’il choisissait trop souvent le texte du Credo de Vatican II alors que nous préférions celui du symbole de Nicée.
Enfin, il connaissait beaucoup de chants appropriés aux textes du jour.
Pour tout ce que vous nous avez apporté à nous équipe de préparation des ADAL
et à la paroisse de Lorris,
nous vous disons
Gérard : MERCI et A DIEU.
Quelques jalons dans sa vie.
Né le 17 septembre 1932 à Bondues (Nord), d’une famille d’agriculteurs; le 4ème de 11 enfants.
Après une année (1953-1954) au Grand Séminaire de Merville (59), il rentre au Noviciat des Frères Missionnaires des Campagnes à La Croix-sur-Ourcq (Aisne) le 25 mars 1955.
1960-1968 : à Hermes dans l’Oise.
Après avoir fait une formation accélérée en maçonnerie, il est nommé à la Communauté FMC de Hermes dont la mission principale était de rejoindre le milieu ouvrier.
Pendant 8 ans, il travaille chez le même artisan maçon.
Salarié chez des artisans maçons pendant toute sa vie professionnelle
Il accompagne aussi une communauté paroissiale à Berthecourt, à quelques kilomètres de Hermes, y assurant l’animation des eucharisties, la visite aux malades, dans un milieu de tradition ouvrière peu marquée par le christianisme.
1968-1980 : A Crévecoeur-le-Grand dans l’Oise, après la fermeture du Prieuré de Hermes.
1980-1994 : A Châteaumeillant dans le Cher.
Pendant toute sa vie professionnelle, Frère Gérard a toujours été salarié dans le bâtiment, tout en s’insérant dans les communautés chrétiennes par l’animation liturgique.
1994-2011 : A Lorris dans le Loiret. Frère Gérard réside jusqu’en 2001 au 36 Grande Rue : le Prieuré a alors la responsabilité du secteur pastoral.
Il s’intégre en faisant partie de diverses associations : les Jardins Solidaires (pour et avec les Rmistes) ; lui-même fait aussi le jardin du Prieuré.
Il est aussi membre du Secours Catholique, de Solidarité Emploi Service et de l’Association Jeanne d’Arc.
En 2001, les Frères laissent à un prêtre diocésain la responsabilité du Secteur paroissial et quittent le presbytère; Frère Gérard rejoint alors la communauté des Frères aînés, au 1 Faubourg de Montargis.
(Frère Gérard à gauche sur la photo : les Frères avec la famille du Fr. Jean-Baptiste Molin, ancien membre de la Communauté)
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